Colmar (un) : aller

21 mai 2025


Moins inquiet que parfois, je suis ce mardi dans le train Nomad de sept heures vingt-deux pour Paris, en première classe pour garder mes bagages près de moi, petite valise et sac à dos noirs. Moins inquiet, car j’ai un énorme temps de latence dans la capitale avant l’heure de mon Tégévé.
Tout se passe bien : arrivée ponctuelle à Saint-Lazare, passage par la moulinette de la descente vers la ligne Quatorze, bain de foule jusqu’à Châtelet dans la rame de cette ligne Quatorze, moment de repos dans le métro Quatre où je suis assis jusqu’à la station Gare de l’Est, sortie rue d’Alsace.
En face de cette Gare est le Café de l’Est. Le café y coûte deux euros soixante-dix. Je commence là le deuxième volume de Lettres à Madame Hanska, retrouvant Balzac (dont c’est aujourd’hui l’anniversaire de la naissance) où je l’ai laissé, endetté, souffrant et porteur de projets qui tous échouent. Tu es un peu follette ma minette, car si je ne bâtis pas en 1845, où logerons-nous en 1846 ?
J’y reste jusqu’à onze heures puis fais un tour dans le quartier, découvrant ainsi l’église Saint-Laurent et le square attenant du même nom où un banc au soleil me permet d’attendre midi. Paisible endroit dans un paisible quartier.
J’ai le temps d’un déjeuner au restaurant. Je choisis Packiams entre l’église et la Gare, boulevard de Strasbourg. La formule est à dix-huit euros quatorze : crevettes tempura maison et tartare de bœuf italien frites maison. La clientèle est cosmopolite, le personnel indo-pakistanais ou tamoul, la cuisine honnête. Une étrangère fourre son croissant avec une crêpe.
La Gare de l’Est est paisible elle aussi. Je trouve un fauteuil métallique rouge pour attendre le Tégévé de treize heures cinquante-trois pour Colmar. Je voyage en seconde : voiture Sept, place Vingt-Cinq. Accroché devant, il y a le train pour Stuttgart. A voir les enfants galopant sur le quai, là-bas ce sont les vacances scolaires. Pour voisin, j’ai un jeune homme sage. Derrière, un vieux couple se chamaille avec l’accent alsacien (elle : « Tu sais bien que les gilets, j’aime pas ça. » lui : « Fiche-moi la paix »). On est vite au-dessus de trois cents kilomètres heure. Côté paysage, rien de palpitant jusqu’à ce que l’on aperçoive la ligne bleue des Vosges. Un très long tunnel et c’est Strasbourg. Presque tout le monde descend. Le chef de bord annonce l’opération de déjumelage du train allemand.
Ensuite, c’est la plaine d’Alsace avec à droite une belle vue sur les sommets des Vosges. Ce château perché là-haut, et cet autre plus loin, m’en font souvenir d’autres, du temps où je parcourais l’Alsace bien accompagné. On traverse Sélestat et c’est l’arrivée à Colmar à l’heure prévue, seize heures vingt-sept.
A l’arrière de la Gare est l’Espace Côté Ouest, une médiocre cafétéria où je prends un café au prix exagéré de deux euros. Le ciel est annonciateur  d’orage et je ne peux rejoindre par vingt minutes de marche ma location Air Bibi qu’à dix-sept heures quarante car ma nouvelle logeuse travaille. Mes bagages n’étant pas étanches, je lui envoie un message. Elle propose de passer me prendre. Il me faut donc l’attendre un long moment dans cette cafétéria médiocre, le seul débit de boissons proche de la Gare. Heureusement que je sais que Colmar a autre chose à m’offrir.
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Balzac : Cette année est une année climatérique pour mes affaires.
Climatérique : constituant un moment important, où il survient de grands changements, m’apprend le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales.