Comment n’y ai-je pas pensé plus tôt ? Ce n’est que ce matin qu’une petite lumière s’est allumée dans mon cerveau. Ne pouvant pas arriver à la Gare avec le premier bus F à temps pour prendre le car Fluo numéro Trente de sept heures trente terminus Rouffach, j’achète un billet de train à la halte ferroviaire Saint-Joseph, un euro soixante et tilt ! je me souviens avoir lu que les cars Fluo sont gratuits pour les possesseurs d’un billet de train régional du jour. Quelle économie j’aurais pu faire depuis le début de mon usage quotidien des cars Fluo !
La conductrice du sept heures trente pour Rouffach n’est pas emballée. Elle cherche comment refuser ma montée gratuite. « C’est un billet de Téheuherre », lui dis-je. « Il n’y a pas de retour avant l’après-midi », me dit-elle comme si elle espérait me voir renoncer à mon escapade à Eguisheim qui fut élu autrefois « Village Préféré des Français ».
Eguisheim est à flanc de coteau non loin de Colmar. Je descends à l’arrêt De Gaulle. Une autre touriste fait de même. Je vais l’avoir dans les pattes pendant ma visite, me dis-je la maudissant déjà.
Je commence par faire le Tour du Rempart, lequel n’est pas planté de cerisiers mais de magnifiques bâtisses typiques (« directement sorties d’une aquarelle d’Hansi », dit mon vieux Routard). Je ne sais où arrêter mon regard ni quoi photographier et j’ai le privilège d’être seul. Jusqu’à ce que je croise celle que je ne voulais plus voir.
Ma ronde accomplie, je descends la Grand’Rue dotée de maisons à colombages, de façades Renaissance, de cours dîmières, de maisons de vignerons et de tonneliers. Elle me conduit au Château des Comtes d’Eguisheim et, attenante à celui-ci, à la Chapelle de Saint Léon, car le pape Léon le Neuvième est né à Eguisheim (le « pape voyageur », celui qui convoqua le Concile de Latran). Sa Chapelle aux allures d’église arménienne, ouverte officiellement à neuf heures, l’est déjà à huit heures vingt où un homme secoue la carpette de l’entrée. Je ne reste que deux minutes dans ce lieu de recueillement.
Derrière ce massif Château et cette élégante Chapelle, je découvre la Boulangerie Salon de Thé Marx qui dispose d’une paisible terrasse près du Monument aux Morts. Le pain au chocolat n’est qu’à un euro vingt. Je l’accompagne d’un grand café à trois euros quarante. C’est vers neuf heures qu’arrive du monde et à dix heures, la première visite guidée.
Un chemin de deux heures dans le vignoble est indiqué, le « sentier viticole des grands crus d’Eguisheim », mais la chaleur de nouveau présente m’en dissuade. Je préfère m’asseoir sur un banc à l’ombre, sur la place où se trouve la superbe fontaine papale. J’y suis surplombé par des cigognes et entouré d’hôtels et de restaurants en pain d’épice décorés de géraniums.
L’Office du Tourisme n’ouvre qu’à dix heures. On peut s’y procurer un plan succinct, mais moyennant vingt centimes. « C’est gratuit si vous le téléchargez sur un téléphone », me dit celle qui m’accueille. « Et vous fournissez le téléphone ? » A défaut, j’obtiens une fiche de réclamation que je complète et lui remets. « Une réponse vous sera donnée. »
Je retourne sur mon banc à l’ombre, face à la Chapelle du Pape Léon, et y lis Balzac Hier, il m’a été impossible d’écrire une ligne et j’en suis venu à la triste extrémité, bourré de café, de lire des romans. Je revois passer celle du car, avec son ridicule chapeau cloche à papillons. Certains font des photos de géraniums. Par la fenêtre ouverte de l’une des chambres sous les toits de l’Hostellerie du Château sort la trompe obscène d’un climatiseur.
Je déjeune à l’Auberge des Remparts, loin des remparts, d’une tourte vigneronne à dix-neuf euros, une terrasse bien à l’ombre près d’une vaste fontaine sans géraniums, un bel endroit et un prix exagéré.
Je me pose ensuite sur un banc place Saint-Pierre près des remparts pour attendre le car Fluo du retour de treize heures treize, avec vue sur les cigognes qui ne fichent pas grand-chose dans leur nid. Revoici l’autre avec son chapeau cloche qui évidemment rentre aussi à Colmar. Mon billet de train va-t-il être accepté par le chauffeur ? Il ne me fait aucune difficulté.
*
Que faire de toutes les pièces de vingt centimes accumulées par l’Office du Tourisme d’Eguisheim ? Je suggère de les mettre dans une cagnotte qui pourra aider à la rénovation des toilettes publiques cachées derrière, les plus minables que j’ai utilisées depuis mon arrivée en Alsace.
La conductrice du sept heures trente pour Rouffach n’est pas emballée. Elle cherche comment refuser ma montée gratuite. « C’est un billet de Téheuherre », lui dis-je. « Il n’y a pas de retour avant l’après-midi », me dit-elle comme si elle espérait me voir renoncer à mon escapade à Eguisheim qui fut élu autrefois « Village Préféré des Français ».
Eguisheim est à flanc de coteau non loin de Colmar. Je descends à l’arrêt De Gaulle. Une autre touriste fait de même. Je vais l’avoir dans les pattes pendant ma visite, me dis-je la maudissant déjà.
Je commence par faire le Tour du Rempart, lequel n’est pas planté de cerisiers mais de magnifiques bâtisses typiques (« directement sorties d’une aquarelle d’Hansi », dit mon vieux Routard). Je ne sais où arrêter mon regard ni quoi photographier et j’ai le privilège d’être seul. Jusqu’à ce que je croise celle que je ne voulais plus voir.
Ma ronde accomplie, je descends la Grand’Rue dotée de maisons à colombages, de façades Renaissance, de cours dîmières, de maisons de vignerons et de tonneliers. Elle me conduit au Château des Comtes d’Eguisheim et, attenante à celui-ci, à la Chapelle de Saint Léon, car le pape Léon le Neuvième est né à Eguisheim (le « pape voyageur », celui qui convoqua le Concile de Latran). Sa Chapelle aux allures d’église arménienne, ouverte officiellement à neuf heures, l’est déjà à huit heures vingt où un homme secoue la carpette de l’entrée. Je ne reste que deux minutes dans ce lieu de recueillement.
Derrière ce massif Château et cette élégante Chapelle, je découvre la Boulangerie Salon de Thé Marx qui dispose d’une paisible terrasse près du Monument aux Morts. Le pain au chocolat n’est qu’à un euro vingt. Je l’accompagne d’un grand café à trois euros quarante. C’est vers neuf heures qu’arrive du monde et à dix heures, la première visite guidée.
Un chemin de deux heures dans le vignoble est indiqué, le « sentier viticole des grands crus d’Eguisheim », mais la chaleur de nouveau présente m’en dissuade. Je préfère m’asseoir sur un banc à l’ombre, sur la place où se trouve la superbe fontaine papale. J’y suis surplombé par des cigognes et entouré d’hôtels et de restaurants en pain d’épice décorés de géraniums.
L’Office du Tourisme n’ouvre qu’à dix heures. On peut s’y procurer un plan succinct, mais moyennant vingt centimes. « C’est gratuit si vous le téléchargez sur un téléphone », me dit celle qui m’accueille. « Et vous fournissez le téléphone ? » A défaut, j’obtiens une fiche de réclamation que je complète et lui remets. « Une réponse vous sera donnée. »
Je retourne sur mon banc à l’ombre, face à la Chapelle du Pape Léon, et y lis Balzac Hier, il m’a été impossible d’écrire une ligne et j’en suis venu à la triste extrémité, bourré de café, de lire des romans. Je revois passer celle du car, avec son ridicule chapeau cloche à papillons. Certains font des photos de géraniums. Par la fenêtre ouverte de l’une des chambres sous les toits de l’Hostellerie du Château sort la trompe obscène d’un climatiseur.
Je déjeune à l’Auberge des Remparts, loin des remparts, d’une tourte vigneronne à dix-neuf euros, une terrasse bien à l’ombre près d’une vaste fontaine sans géraniums, un bel endroit et un prix exagéré.
Je me pose ensuite sur un banc place Saint-Pierre près des remparts pour attendre le car Fluo du retour de treize heures treize, avec vue sur les cigognes qui ne fichent pas grand-chose dans leur nid. Revoici l’autre avec son chapeau cloche qui évidemment rentre aussi à Colmar. Mon billet de train va-t-il être accepté par le chauffeur ? Il ne me fait aucune difficulté.
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Que faire de toutes les pièces de vingt centimes accumulées par l’Office du Tourisme d’Eguisheim ? Je suggère de les mettre dans une cagnotte qui pourra aider à la rénovation des toilettes publiques cachées derrière, les plus minables que j’ai utilisées depuis mon arrivée en Alsace.