Concert Dominique A au Cent Six

15 mai 2015


Il faut vraiment que j’aie envie d’entendre Dominique A pour affronter la perspective du concert debout. A pied, ce mardi douze au soir, je rejoins le lointain Cent Six et prends place dans la file bétailleuse qui attend l’ouverture des portes. Derrière moi, des enseignants parlent de la semaine européenne, de la semaine culturelle et des collègues.
Après avoir franchi sans souci les vigiles, je me place au quatrième rang face au micro central. Celui-ci est d'abord à l’usage d’un chanteur de première partie, physiquement un fils de Jean Ferrat, musicalement un enfant illégitime de Noir Désir. Côté musique : guitare qui se fait plaisir et machine qui fait des boucles, côté paroles : lyrisme fumeux.
A la fin de son premier morceau, une voix venue de la salle se fait entendre :
-Moins fort. Ça fait mal aux oreilles. On n’entend pas les paroles.
-C’est pas prévu, lui répond l’artiste.
Il enchaîne avec sa deuxième chanson. Tout à l’heure, à L’Armitière, Dominique A disait que faire de la musique, c’était parfois obliger les autres à se taire. J’affronte cette épreuve en faisant de mes doigts des bouchons d’oreille. Au bout de cinq ou six morceaux, dont mes voisin(e)s disent du mal tout en applaudissant, ce mauvais moment s’achève.
-C’était qui ? demande l’un.
-Il nous a pas dit son nom, dit un autre.
Je l’ai lu, écrit sur une affichette à l’entrée : Olivier Depardon.
Suit le long moment vide de la mise en place des instruments pour la suite. Que de temps perdu, me dis je, fulminant intérieurement.
Dominique A arrive enfin, ayant remplacé la chemise bleue à manches courtes par une grise à manches longues retroussées. Il est accompagné par trois musiciens et s’empare (comme on dit) de sa guitare.
-J’aime bien ta gratte, dit l’un dans la foule.
C’est le début de pas mal de réflexions pas très fines polluant l’intervalle entre deux chansons, auxquelles le chanteur répond à sa manière, simple et naturelle. Comme mon voisinage est devenu silencieux, je peux bénéficier d’une audition parfaite des morceaux de l’album Eléor. L’interprète n’a pas perdu sa gestuelle, son bras fait toujours la vague quand il ne gratte pas son instrument. Derrière lui, les trois assurent. Aux claviers c’est Boris le hipsteure, à la batterie Sacha le normal et à la basse Jeff le hibou halluciné.
« En concert, j’aime que mon public en ait pour son argent », disait tout à l’heure Dominique A à L’Armitière. Il revient une première fois longuement, puis une seconde pendant laquelle il interprète avec ses trois acolytes quelques succès du passé dont une version très rock du Courage des oiseaux. Des morceaux qui tournent parfois au maelström musical mais dont je ne profite pas aussi bien que je le souhaiterais pour cause de douleur croissante dans les pieds et d’engourdissement qui remonte jusqu’aux épaules. La peste soit des concerts debout du Cent Six, combien c’était mieux quand je pouvais voir et entendre Dominique A confortablement assis au Hangar Vingt-Trois.
Il est minuit et quart lorsque j’arrive à la maison, mon réveil étant réglé sur cinq heures en raison du mercredi à Paris, cela laisse peu de temps au sommeil.
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Les interventions bêtes du public, une conséquence des concerts debout, ils libèrent l’esprit troupeau.
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Je rentre à Bruxelles sitôt après le concert, expliquait Dominique A à la libraire ébahie. « C’est ça ma vie ».
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Une chanson de lui que j’aime beaucoup Au revoir mon amour. Quand il la chante sur scène, on entend « En revoir mon amour ». Ce « en » à la place du « au », pratique courante dans le milieu populaire où s’en déroulée mon enfance. En revoir, à demain.