Confiné (cinquante-quatre)

10 mai 2020


Le parvis de la Cathédrale de Rouen, habituellement parsemé de pigeons, en est dépourvu ce samedi à neuf moins dix alors que j’attends l’ouverture de la Grande Pharmacie du Centre.
Pas tout à fait, l’un d’eux est présent, en mauvaise posture. Il se fait tuer par un goéland devant chez Hache et Aime. Cela explique la disparition des autres.
Le goéland le défonce à coups de bec méthodiques tandis que ses ailes battent désespérément. Un jeune couple, devant cette scène violente, préfère changer de chemin.
Une jeune femme me rejoint devant la pharmacie, à distance raisonnable. Ce n’est pas l’affluence que je redoutais. La raison est affichée en vitrine : « Nous n’avons pas de masques ».
A l’ouverture, je donne mes ordonnances : gouttes d’yeux et bain de bouche. De petites fioles de gel hydro alcoolique sont à portée de main sur le comptoir. Pour la première fois, je m’en procure.
En sortant, je constate que le goéland a tiré sa proie, désormais morte, jusqu’au milieu du parvis. Il s’emploie à l’éviscérer. Son bec est plein de sang.
Le jardin où je lis Pepys est quant à lui paisible. Nul passage de rat, nul viol de pigeonne. A onze heures et demie, le carillon s’y fait entendre jusqu’à midi, une coutume dont je suis bien aise.
L’après-midi, le ciel se couvre de nuages annonciateurs d’orage. Ce n’est que vers minuit que celui-ci éclate (comme on dit). Quelques éclairs suivis de tonnerre et une pluie de mousson me tiennent éveillé un moment.
                                                                    *
En résumé : un goéland hache et aime un pigeon.