Confiné (deux) deux

1er novembre 2020


On ne dit plus, ce qui était courant, je vais chez l’Arabe du coin, comme on aurait pu dire je vais chez l’Auvergnat. Nulle intention méprisante, encore moins raciste, dans cette formulation, mais le correctement politique a fait son œuvre.
C’est pourtant ce que je fais ce samedi à onze heures, comme l’indique l’attestation de déplacement dérogatoire ancien modèle que j’ai en poche. Mon Arabe du coin n’est pas au premier coin, mais à celui du haut de la rue Beauvoisine. Je n’y vais, chaque année, que pour ses pommes. L’an dernier, elles étaient à un euro le kilo. Cette fois, elles sont à un euro vingt.
Lesté de deux kilos dans le sac à dos, je ne rentre pas par le chemin le plus court, passant par deux boîtes à livres au contenu sans intérêt.
Pour regagner mon domicile, je traverse en diagonale le parvis de la Cathédrale, un lieu dangereux, comme l’a montré l’attentat islamiste qui a fait trois morts à Nice. C’est le moment du concert hebdomadaire de carillon.
L’un des airs joués est Le Tourbillon de Serge Rezvani. Chacun pour soi est reparti / Dans l'tourbillon de la vie, une chanson d’avant guerre. Là, nous sommes dans le pot au noir, encalminés pour plusieurs semaines dans un climat malsain.
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Il n’y a pas que l’épicier arabe, il y a aussi le boulanger arabe. Depuis mon retour, je vais chez celui de la rue de la Rép, ma boulangerie habituelle étant fermée pour vacances. Il a remplacé une boulangère que je boycottais en raison de ses discours anti-manifestants lors des grèves pour défendre les retraites. Contrairement à beaucoup de ses semblables parisiens, il fait du bon pain. De plus, il ouvre à six heures et demie, un horaire compatible avec ma façon de vivre.