Confiné (quarante-sept)

3 mai 2020


Ce samedi matin est marqué par la colère des pharmaciens et autres professionnels dits de santé suite à l’annonce par la grande distribution (comme elle s’appelle elle-même) de la mise en vente dès lundi de millions de masques jusque-là introuvables, peut-être ceux commandés en Chine par mon codétenu du troisième étage. Ne fréquentant pas cette grande distribution, je n’en aurai pas davantage. Quand même, je demande au caissier de U Express si certains arriveront jusqu’ici. « Cela m’étonnerait », me répond-il.
Malgré quelques nuages venus d’une direction inhabituelle, je peux lire sur le banc du jardin. Après la peste, Samuel Pepys fait face à l’incendie de Londres, dont heureusement pour lui sa maison sort indemne, le feu s’arrêtant au bout de sa venelle. Ayant pris accidentellement dans une boulangerie, cet incendie se propagea durant quatre jours et quatre nuits sur deux cents hectares, détruisant environ treize mille deux cents maisons ainsi que de nombreux monuments. Il ne laissa debout qu’un cinquième de la ville. Cent mille personnes se retrouvèrent à la rue. Pepys raconte cela très bien avant de faire revenir son or et son argent mis en sûreté. Ce qui ne revint pas, ce fut la peste, vaincue par les flammes. Cette lecture est agréablement accompagnée par le concert de carillon hebdomadaire puis par le calme.
C’est à l’intérieur que je poursuis le tapotage de ma prise de notes de lecture du premier tome de son Journal en reprenant ma réécoute des cédés francophones à la lettre Dé. Une mienne connaissance s’inquiète de mon classement à cette lettre d’Albin de la Simone « Mon côté bibliothécaire trouve à redire même si vous faites comme vous voulez », m’écrit-elle. Je me suis posé la question. Devais-je le mettre avec Nina Simone ou près de Vincent Delerm ? Mon choix est un peu tendancieux, je le reconnais. Cela aurait plus simple s’il avait gardé son véritable nom, Albin L'Eleu de la Simone.
Je n’ai pas ce genre de problème avec le plébéien Dutronc, un de mes compagnons d’adolescence, dont j’écoute deux compilations (disques Vogue) des succès des années soixante. La seconde se termine hélas par des niaiseries post Jacques Lanzmann datant du début des années soixante-dix : Le petit jardin, La France défigurée, La ballade du bon et des méchants, J’comprends pas. Je ne comprends pas non plus. Heureusement, par la suite, Dutronc sortira du trou.
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Cela fait aujourd’hui un quart de siècle qu’est mort à La Rochelle, de façon naturelle ou provoquée, mon frère Jacques. Dans son recueil « les animots », il écrivait : on ne confondra pas ma mort avec une gousse d’ail.