Confiné (treize)

30 mars 2020


Après avoir, comme tout le monde, bénéficié d’une heure de confinement en moins grâce à un changement d’heure qui cette année ne provoque pas la moindre polémique, je demande à mon ordinateur quand se lève le jour ce dimanche. Sept heures trente-huit, me répond-il. J’inscris sept heures trente-cinq sur mon autorisation de sortie et le moment venu met le pied dehors.
Cette fois, je quadrille le quartier dans l’autre sens avec un petit détour par la rue Damiette où deux antiquaires ont laissé leurs richesses éclairées afin de faciliter le travail des cambrioleurs. J’emprunte ensuite les rues de l’Hôpital et Ganterie jusqu’à la rue de la Jeanne que je descends jusqu’à celle du Gros qui est comme les autres absolument déserte. « Tiens, un être humain », semble se dire la jeune employée masquée de la boulangerie Paul qui s’occupe de la vente à emporter. Je suis à plus de cinq mètres d’elle mais nous éprouvons l’envie ou le besoin de nous dire bonjour.
J’en suis à me dire que j’aurais dû prendre mon appareil pour photographier la Cathédrale sur fond de ciel légèrement rose quand face à moi apparaît une voiture de la Police.
Elle s’arrête à ma hauteur. Sa conductrice, qui n’a pas de masque, baisse la vitre.
 -Bonjour monsieur, me dit-elle avec un grand sourire.
-Je fais un peu d’exercice physique, lui dis-je.
-Pas de problème si vous avez votre attestation.
-Oui, je l’ai faite à la main car je n’ai pas d’imprimante,
-Pas de problème si vous avez mis l’heure.
Elle regarde à distance.
-Sept heures trente-cinq, parfait, bonne journée, conclut-elle, toujours aussi souriante
Elle n’a pas même regardé mon nom, ni demandé ma carte d’identité, ni ne s’est gendarmée que j’aie écrit la date et l’heure au crayon à papier.
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Plus question d’aller lire au soleil dans le jardin à cause d’un vent froid venu de Scandinavie. Là-haut, les amis de Stockholm continuent leur vie de liberté. Ainsi en ont décidé ceux qui gouvernent le pays, tablant sur la responsabilité des Suédois pour respecter volontairement la distanciation sociale et sur un nombre d’habitants plus raisonnable que dans beaucoup d’autres pays européens. On verra (qui vivra), comme écrivait Georges Perros.
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Images d’un de ces pays où les humains se reproduisent comme des lapins, l’Inde : des centaines de milliers d’individus les uns contre les autres, tous voulant monter dans des cars afin de rejoindre leurs campagnes d’origine à l’annonce du confinement.
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Les traits tirés d’Emmanuel Macron et d’Olivier Véran, l’air abattu d’Edouard Philippe.
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Dans la soirée, l’annonce de l’admission de Christophe en réanimation à Paris. Soixante-quatorze ans.