Confiné (trois) dix : Dieppe

30 mars 2021


Je suis maintenant persuadé qu’il est permis, tout confinés qu’on soit, d’aller faire des courses de première nécessité à l’autre bout de son département. C’est du moins ce que prétend mon attestation de déplacement dérogatoire, ce lundi matin, mais je me demande quand même ce qu’en penserait la maréchaussée. Elle pourrait s’étonner qu’on aille faire des achats à Dieppe alors que l’on vit à Rouen.
J’ai peu de risque d’être contrôlé, uniquement à la gare d’arrivée. Ensuite, je passerai pour un Dieppois. Nous ne sommes qu’une vingtaine dans le train de neuf heures et quart et il n’a que dix minutes de retard.
C’est le beau temps comme annoncé. A l’arrivée, je traverse une ville quasiment vide puis monte sur la falaise en contournant le Château Musée sans masque. Là-haut je m’assois sur un banc où je fus souvent bien accompagné.
Vers onze heures et demie, je redescends et rejoins le bord de mer par la passerelle de la piscine. Quelques gargotes de plage sont ouvertes. A l’une je me procure des produits de première nécessité : un hot-dog, des frites et de l’eau. Neuf euros vingt pour ce festin que je déguste sur un banc face à la mer.
Cela fait, je gagne le port et y entreprends la relecture de Venises de Paul Morand jusqu’à ce qu’il soit l’heure de rentrer. Le train de seize heures cinq n’étant plus de mise, c’est celui de quatorze heures quatre qui me ramène à Rouen. Le contrôleur y annonce que la restauration est interdite sous peine d’amende.
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Un ouaiche au téléphone, plus clandestin que moi :
« J’suis en Normandie, fils de pute, acculé à la plage. Devine y a quoi qu’est en train de décoller ? Le ferry pour l’Angleterre ! »
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Dans le port va et vient la drague Christophorus. Pourvu qu’elle ne fasse pas thrombose, comme l’Ever Given dans le canal de Suez.