Confiné (trois) douze : Dieppe encore

1er avril 2021


Fécamp aurait dû être le but de ma troisième excursion, oui mais s’il est aisé d’y aller le matin, en revenir en milieu d’après-midi suppose à la correspondance de Bréauté-Beuzeville une attente d’une heure vingt-trois entre les deux trains, autant dire une grosse punition.
C’est pourquoi, ce mercredi, je prends à nouveau le chemin de fer pour Dieppe.
A l’arrivée, je me rends directement à la boîte à livres du Pollet et constate que les produits qu’on y propose ne sont pas de première nécessité pour moi. En face, dans le port, un pêcheur réceptionne des casiers tout neufs : « Maintenant, faut les amortir. ».
Ayant contourné le bassin, j’entre au New Haven, quai Henri le Quatrième, l’un des rares restaurants de bord de mer ouverts, et y réserve un fish and chips à treize euros pour onze heures et demie, puis je vais lire Venises de Paul Morand sur l’avancée en bois qui surplombe une partie du port de plaisance.
-On voit plus personne depuis qu’y a plus les Parisiens, me dit, bien que je me sois retenu de lui dire « C’est calme », le cuisinier qui à l’heure dite s’occupe de ma commande. Il n’espère pas la réouverture avant juin. « On va voir ce qu’il va dire ce soir. » (Il = Macron)
Quand mon plat est prêt, je traverse le quai où ne passent guère de voitures et m’installe sur une pierre rectangulaire suffisamment courte pour qu’un intrus n’ait pas l’idée de s’y asseoir aussi.
Ce fish and chips est fort bon, que je mange avec une fourchette en bois, sous la surveillance d’envieux pigeons.
Mon déjeuner terminé, je rapporte la gamelle en plastique et demande un café à emporter. Ici, il n’est qu’à un euro. Des bars tabacs osent le proposer à un euro cinquante.
Sitôt bu, je vais me trouver un banc en bord de mer au-dessus de la plage aux galets arrondis. J’ai le temps d’y terminer Venises avant l’heure de mon train de retour.
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A la Gare de Dieppe, une femme au téléphone : « Ce sont des gens toxiques. Parce qu’ils sont à moitié pervers. »
A moitié seulement.
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De Paul Morand dans Venises :
Toute existence est une lettre postée anonymement.
Un écrivain doit avoir sa propre longueur d’onde.
… l’art dramatique d’aujourd’hui n’est qu’une surenchère d’agressions criées ; on devrait apprendre aux acteurs, dont le métier est « d’avoir l’air », qu’il leur faut avoir l’air de crier, sans crier. (Combien de fois ne me suis-je pas dit cela quand j’allais encore au théâtre)