D’ailleurs c’est toujours les pauvres qui meurent

8 août 2016


Quelle tristesse cet incendie dû aux bougies d’anniversaire d’Ophélie fêtant ses vingt ans dans le sous-sol privatisé du Cuba Libre, bar minuscule de la rive gauche de Rouen, là où vivent en majorité des pauvres, cette jeune fille et plusieurs de ses invité(e)s venant des Hauts de Rouen, là où vivent d’autres pauvres.
On ne fête pas ainsi ses vingt ans chez les bourgeois(e)s de la rive droite, on a accès à des endroits plus attrayants et s’il le faut papa maman laissent leur grand appartement où si un accident devait arriver il ne serait jamais aussi dramatique.
Ophélie, onze de ses ami(e)s et le didjai employé pour la fête sont mort(e)s dans ce sous-sol accessible par un escalier raide et étroit dans lequel a trébuché la porteuse du gâteau dont les bougies ont mis le feu instantanément à l’isolant phonique couvrant murs et plafond. Je pense que le patron du bar, un garçon sympathique dit-on, va devoir s’expliquer devant la Justice.
Ce samedi matin, j’achète des fruits et des légumes au marché des Emmurées pas loin du Cuba Libre mais j’évite d’aller y faire le voyeur.
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Sur le chemin du retour, au bout de l’île Lacroix, j’aperçois la fille au petit vélo rouge orangé qui vient vers moi alors que j’attends le feu vert des piétons. Elle tourne à gauche et me frôle en m’ignorant. Je suis estomaqué.
« Pourrais-je savoir ce que j'ai fait pour que tu passes prés de moi en regardant ailleurs? », lui écris-je une fois rentré. Eh bien, elle ne m’avait tout simplement pas vu.
Du coup, nous sommes ensemble au jardin quelques heures plus tard et je sais maintenant ce qu’elle pense du Plouk Town de Ian Monk.
Il est possible que l’on n’attende pas trois mois avant de nous revoir.