D’une cave l’autre

25 novembre 2019


A l’occasion du quarantième anniversaire de la mort de Jacques Mesrine, abattu par la Police au volant de sa voiture à Paris place de Clignancourt, Paris Normandie se penche sur la jeunesse de celui qu’on appelait l’ennemi public numéro un.
Ses parents possédaient un manoir à Louviers, chaussée Decretot, où jeune homme il venait en visite dans les années cinquante, au début desquelles je suis né dans cette même ville, route de Pacy. La chaussée Decretot et la route de Pacy sont dans le prolongement l’une de l’autre et constituaient à cette époque la frontière entre la ville et la campagne.
Précisément, il y a un décrochement entre les deux rues, où trouvait place le maréchal-ferrant. Celui-ci s’occupait des gros chevaux qui travaillaient dans les champs. J’ai encore dans l’oreille le bruit de leurs sabots quand ils passaient devant la maison familiale pour aller se faire ferrer.
A cette époque, Jacques Mesrine était ami avec Bernard Lefebvre qui plus tard sera mon prof d’histoire géo de terminale au lycée pendant deux années consécutives, vu que j’ai commencé par rater mon bac, occupé que j’étais à dragouiller les filles au tennis-cleube et à jouer au tarot et au poker. Ce lien entre le gangster et le professeur m’est connu depuis l’année où La Dépêche de Louviers a interrogé le second (qui était devenu proviseur et adjoint dans la municipalité de gauche) à propos du premier.
Ai-je croisé le fils de bourgeois de la chaussée Decretot, je ne sais. Peut-être un été lorsque Grand-Mère Jeanne quittait sa petite maison de l’allée de la Paix à Bondy (pas encore dans le Neuf Trois) pour venir passer une semaine de vacances chez sa fille. Elle nous emmenait en promenade tous les après-midi. Certaines fois vers la chaussée Decretot, certaines fois vers Le Hamelet, certaines fois en grimpant la colline par un chemin rural jusqu’au hameau des Monts où Pierre Mendès France habitait, que nous n’avons jamais vu.
En l’absence de ses parents, Jacques Mesrine organisait des fêtes dans la belle cave voutée du manoir, auxquelles participaient Bernard Lefebvre et d’autres jeunes gens de Louviers. Puis il devint gangster.
Ce n’est pas quelqu’un pour qui j’ai de la sympathie. Je déteste la violence dans quelque domaine que ce soit, sauf s’il s’agit de se défendre.
Je suis plus indulgent pour les escrocs, ceux de haut vol, du genre François-Marie Banier ou Christophe Rocancourt. Depuis plusieurs mois, ce dernier n’habite plus au bout de ma ruelle, à l’angle de la rue Saint-Nicolas, au premier étage de la maison à la porte verte où il était assigné à résidence. Je ne l’ai jamais vu, mais j’ai souvent croisé sa jolie copine eurasienne.
D’autres malhonnêtes pour qui j’ai de l’indulgence : les Balkany. Je trouve sévère la condamnation du mari à sept ans de prison pour fraude fiscale et recel de celle-ci alors que l’Etat s’est remboursé en saisissant leurs propriétés. Dans le même temps, à Rouen, les deux frères gérants du Cuba Libre n’ont eu que trois ans pour avoir causé la mort de quatorze personnes, dont treize vingtenaires, lors de l’incendie de la cave dont ils avaient recouvert les murs et le plafond de matière inflammable et bloqué l’issue de secours.
Ce samedi après-midi, alors que j’écris ce texte au Faute de Mieux, les familles des victimes de cette fête d’anniversaire marchent sous la pluie entre la Mairie et le Cuba Libre derrière une banderole blanche où est écrit « un jugement injuste ».
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J’ai appris que Mesrine avait été tué, et sa compagne grièvement blessée, par la radio dans l’annexe spécialisée en fournitures scolaires de la librairie Van Moé. C’était l’année où je faisais l’instituteur au hameau des Taisnières à Lyons-la-Forêt. Je venais chercher ma commande. Je me souviens de la joie mauvaise des employés.