De l’art d’offrir des livres qui ne seront pas lus

14 juillet 2025


Pas de livres donnés de ma part cette fois lors de la rencontre Rouen Stockholm. Faute d’ouvrages adaptés parmi ceux qui dorment chez moi. Ceux offerts dans le passé ont-ils été lus ? Je n’en suis pas sûr.
Personne ne me donne des nouvelles des livres dont je fais cadeau. Même quand ils m’ont été commandés.
Un qui m’en avait réclamé un et qui évoque ses lectures sur le réseau social Effe Bé n’en a jamais parlé.
Une à qui j’en avais offert deux sur un pont entre rive gauche et rive droite pour la remercier d’un masque anti Covid alors introuvable ne m’en a jamais reparlé. Il y a peu, elle annonçait qu’elle allégeait sa bibliothèque en déposant des ouvrages dans une boîte à livres (une mauvaise idée, la majorité des livres passant par là finissent mal).
Je demande par écrit à un troisième : « As-tu lu La Petite Fille qui aimait trop les allumettes ? »
« Non, je ne connais pas ce roman, je devrais? », me répond-il.
« La Petite Fille qui aimait trop les allumettes de Gaétan Soucy, c’est un des livres que je t’ai offerts lorsque nous nous sommes vus à Rouen, donc tu devrais être en mesure de le lire si tu en as envie ou alors quelqu’un d’autre de la famille peut s’y coller. »
« Diable! je craignais cette réponse. Je vais fouiller dans mes piles de livres à lire. »
                                                                       *
Chacun sait que lorsque j’offre un livre je ne l’ai pas payé cher. Il n’empêche que chaque livre donné est l’objet d’un choix étudié.
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Je lis les livres que je m’offre. La plupart jusqu’au bout. Certains sans en sauter une ligne.
Récemment, dans cette dernière catégorie :
La Province de François Mauriac, un livre dédicacé à Raymond par Renée en mil huit cent quatre-vingt-huit avec cette petite carte à l’intérieur « En te souhaitant un aussi grand plaisir que celui que tu as permis que nous ayons Jacqueline et moi », ce qui donne à penser. Il faut être provincial pour savoir que la solitude – la seule souhaitable, celle dont on peut librement sortir – ne se goûte qu’à Paris.
Le numéro dix du Manifeste incertain de Frédéric Pajak. J’ai changé, disais-je. Combien de passions se sont éteintes, et qui paraissent aujourd’hui si lointaines, si vaines. D’autres se sont imposées. Des passions nouvelles, donc. Par exemple, un certain goût de la désinvolture.