Parfaitement à jeun, vous me voyez non surpris, de me trouver ici, ce matin de lundi. Ici, devant la porte du laboratoire d’analyses médicales de la place Saint-Marc. Je suis le premier. Derrière moi, trois femmes attendent également l’ouverture de la porte à sept heures trente. Il s’agit pour moi de subir la prise de sang annuelle que mon médecin traitant m’a prescrite.
Les formalités remplies, je n’ai pas le temps de m’installer en salle d’attente que m’appelle une infirmière aux cheveux gris. Je la suis dans la pièce de prélèvement. Elle me demande le pourquoi de cette prise de sang. Je lui dis que c’est la surveillance de tout ce qui ne va pas chez les vieux puis je lui annonce que mes veines sont difficiles à trouver. Je sens que ça l’inquiète.
Elle choisit de piquer côté gauche, plus précisément de chercher où piquer côté gauche. Elle ne trouve pas. Elle me dit de serrer la main comme si je tenais une balle de tennis, de serrer, de desserrer, de serrer, de desserrer, etc. Le résultat est médiocre. Elle ne voit rien. « Pompez ! me dit-elle, pompez ! » Comme si j’étais un Shadok ! Quand elle se décide à piquer, c’est ailleurs que dans une veine. « Je vais essayer côté droit », me dit-elle. Nous voici passés de l’autre côté où elle me fait à nouveau pomper tout en continuant à discuter pour masquer son appréhension.
-Ça se passe bien la retraite ?
-Oui, c’est la compensation de la vieillesse.
-Vous n’êtes pas très positif ce matin.
-Je suis comme ça tous les jours.
Je la sens de plus en plus inquiète. Quand elle se décide à piquer côté droit, c’est ailleurs que dans une veine. Malgré sa longue expérience, elle est décontenancée. Elle me dit qu’elle renonce à essayer une troisième fois, qu’elle va appeler une de ses collègues.
Après m’avoir fait mille excuses, elle disparaît et apparaît une infirmière bien plus jeune qui me dit que ça arrive, que ça lui est arrivé à elle-même de ne pas trouver une veine. Ce qui n’est pas très rassurant pour moi. Elle aussi s’efforce de bavarder pour calmer son inquiétude. Elle me signale que son anniversaire est le lendemain du mien, que nous sommes tous deux du signe du verseau.
Elle ne m’oblige pas à pomper. Elle pique côté droit et ouf, dans une veine. Elle me dit que mon sang ne s’écoule pas vite. Il y a quand même de quoi remplir les trois ou quatre tubes (je ne sais combien parce que je ne regarde jamais ce que l’on me fait). Je me rhabille en songeant que jamais ça ne s’est passé aussi mal. « Les résultats dans l’après-midi », me dit celle que je remercie.
A seize heures trente, la secrétaire de l’accueil me les imprime. J’ouvre l’enveloppe à la maison. Un soupir de soulagement en constatant que la glycémie est dans les normes. Quant au cholestérol, c’est trop mais il en est ainsi depuis longtemps et certaines fois, c’était pire.
*
Premières images de Boualem Sansal enfin libéré de sa prison algérienne. Je le regarde, écoutant à peine ce qu’il dit, intrigué par sa nouvelle apparence. Ces cheveux courts, est-ce un effet subi de l’emprisonnement ? Est-ce son choix ? Et ces nouvelles lunettes qui ne lui vont pas, pourquoi ? Il est méconnaissable.
Qu’est devenu l’homme aux cheveux longs attachés en catogan et aux lunettes cerclées d’intellectuel ?
Les formalités remplies, je n’ai pas le temps de m’installer en salle d’attente que m’appelle une infirmière aux cheveux gris. Je la suis dans la pièce de prélèvement. Elle me demande le pourquoi de cette prise de sang. Je lui dis que c’est la surveillance de tout ce qui ne va pas chez les vieux puis je lui annonce que mes veines sont difficiles à trouver. Je sens que ça l’inquiète.
Elle choisit de piquer côté gauche, plus précisément de chercher où piquer côté gauche. Elle ne trouve pas. Elle me dit de serrer la main comme si je tenais une balle de tennis, de serrer, de desserrer, de serrer, de desserrer, etc. Le résultat est médiocre. Elle ne voit rien. « Pompez ! me dit-elle, pompez ! » Comme si j’étais un Shadok ! Quand elle se décide à piquer, c’est ailleurs que dans une veine. « Je vais essayer côté droit », me dit-elle. Nous voici passés de l’autre côté où elle me fait à nouveau pomper tout en continuant à discuter pour masquer son appréhension.
-Ça se passe bien la retraite ?
-Oui, c’est la compensation de la vieillesse.
-Vous n’êtes pas très positif ce matin.
-Je suis comme ça tous les jours.
Je la sens de plus en plus inquiète. Quand elle se décide à piquer côté droit, c’est ailleurs que dans une veine. Malgré sa longue expérience, elle est décontenancée. Elle me dit qu’elle renonce à essayer une troisième fois, qu’elle va appeler une de ses collègues.
Après m’avoir fait mille excuses, elle disparaît et apparaît une infirmière bien plus jeune qui me dit que ça arrive, que ça lui est arrivé à elle-même de ne pas trouver une veine. Ce qui n’est pas très rassurant pour moi. Elle aussi s’efforce de bavarder pour calmer son inquiétude. Elle me signale que son anniversaire est le lendemain du mien, que nous sommes tous deux du signe du verseau.
Elle ne m’oblige pas à pomper. Elle pique côté droit et ouf, dans une veine. Elle me dit que mon sang ne s’écoule pas vite. Il y a quand même de quoi remplir les trois ou quatre tubes (je ne sais combien parce que je ne regarde jamais ce que l’on me fait). Je me rhabille en songeant que jamais ça ne s’est passé aussi mal. « Les résultats dans l’après-midi », me dit celle que je remercie.
A seize heures trente, la secrétaire de l’accueil me les imprime. J’ouvre l’enveloppe à la maison. Un soupir de soulagement en constatant que la glycémie est dans les normes. Quant au cholestérol, c’est trop mais il en est ainsi depuis longtemps et certaines fois, c’était pire.
*
Premières images de Boualem Sansal enfin libéré de sa prison algérienne. Je le regarde, écoutant à peine ce qu’il dit, intrigué par sa nouvelle apparence. Ces cheveux courts, est-ce un effet subi de l’emprisonnement ? Est-ce son choix ? Et ces nouvelles lunettes qui ne lui vont pas, pourquoi ? Il est méconnaissable.
Qu’est devenu l’homme aux cheveux longs attachés en catogan et aux lunettes cerclées d’intellectuel ?