De ma lecture du Journal de galère d’Imre Kertész

2 août 2025


Parmi mes lectures de juillet deux mille vingt-cinq : Journal de galère d’Imre Kertész, dont je n’aime pas le titre en raison de l’emploi courant qui est fait du mot galère. L’auteur faisait référence à Molière. Et aussi à Camus dans son discours de Prix Nobel : Tout artiste aujourd’hui est embarqué dans la galère de son temps.
Dans mon petit carnet Hema, j’ai noté ceci :
L’incroyable cécité de la conscience humaine me bouleversera toujours. Ils parlent de déjeuner et de sieste et ne voient pas que le canapé où ils s’allongent est leur cercueil. (mil neuf cent soixante-cinq) 
Dieu (en feuilletant le livre de Mary McCarthy) : mais pour l’amour de Dieu ! Ce qui compte ce n’est pas de savoir s’Il existe ou non, c’est uniquement de savoir pourquoi nous croyons qu’Il existe ou non. (mil neuf cent soixante et onze)
Le suicide qui me convient le mieux est manifestement la vie. (mil neuf cent soixante-quatorze)
Je suis descendu acheter un journal. Je n’avais qu’à traverser la rue et donc, sachant que je reviendrais tout de suite, j’ai branché ma cafetière électrique. Et qu’est-il arrivé ? Je suis revenu. Comment ai-je pu faire preuve d’une telle assurance ? (mil neuf cent soixante-quinze)
Le monde est mauvais parce que je suis mauvais. (mil neuf cent soixante-dix-sept)
La plus terrifiante inconnue : moi-même. (mil neuf cent soixante-dix-neuf) 
Autrefois, la littérature montrait comment « ils » vivaient ; aujourd’hui, l’écrivain ne peut plus parler que de lui-même : dire comment « il » vit (essaie de vivre), à quel point il est perdu et désemparé. (mil neuf cent quatre-vingt-un)
On condamne chez les autres ses propres particularités les plus secrètes, les plus délicates et voluptueuses. (mil neuf cent quatre-vingt-cinq)
J’ai toujours eu une vie secrète, et c’était toujours celle qui était la vraie. (mil neuf cent quatre-vingt-huit)
Quand on connaît ses propres habitudes, on est moins perdu. (mil neuf cent quatre-vingt-neuf)
L’ennui est le piment de la vie. (mil neuf cent quatre-vingt-dix)
La ville que je traverse tous les jours, la tête basse, sans regarder autour de moi. cherchant seulement un trou où je pourrais me cacher et souffler, me dire que j’ai échappé, aujourd’hui encore, au spectre de ce qu’on appelle la vie par ici… (mil neuf cent quatre-vingt-dix)
Je commence à voir que ce qui m’a sauvé du suicide (empêché de suivre l’exemple de Borowski, Celan, Améry, Primo Lévi, etc.), c’est la « société » qui, après mon expérience concentrationnaire, a prouvé sous la forme de ce qu’on appelle le « stalinisme » qu’il ne pouvait être question de liberté, de délivrance, de grande catharsis, etc., c’est-à-dire de tout ce dont les intellectuels, les penseurs et les philosophes de régions plus chanceuses du monde ne se contentaient pas de parler mais à quoi ils croyaient manifestement ; cette société qui a assuré la continuation de ma vie de prisonnier excluant ainsi toute possibilité d’erreur. (mil neuf cent quatre-vingt-onze)