De quoi ça cause au Son du Cor

3 septembre 2016


Ce n’est plus la clientèle d’autrefois au Son du Cor entre midi et deux. Il y a encore quelques années s’y retrouvaient des isolés de la vie, travaillant peu ou pas, qui faisaient fratrie passagère et régulière, dont la conversation en boucle était souvent usante. C’est fini. Certains se sont repliés à L’Interlude. D’autres viennent encore mais moins souvent ou à un autre moment. Maintenant, j’y côtoie surtout des collègues de travail qui pique-niquent avant d’y retourner et des touristes qui boivent une bière ou un verre de blanc avant d’aller déjeuner dans l’un des restaurants de cette rue Eau-de-Robec où est organisée ce samedi trois septembre la « longue tablée », une mise en commun qui ira d’un bout à l’autre de la rue. Il y a aussi parmi la clientèle du Son du Cor des solitaires dans mon genre, de divers âges. Certains y déjeunent de manière quasi clandestine en commandant une crêpe à la maison d’en face, La Cornaëlle, que leur apporte une serveuse qui fait bien moins que son âge.
Quand j’entends à la terrasse de ce sympathique café quelque chose qui en vaut la peine, je pose mon livre et en prends note. Ainsi :
Couple de touristes, peut-être belges.
Elle : « Alors elle m’a dit : Vous êtes la maman de Juliette ? Ça m’a fait un choc. Pour moi, Juliette, c’est une copine, mais c’est vrai que sa mère a mon âge. »
Lui, consolateur : « On est toujours le jeune de quelqu’un. »
Jeune couple parlant le néo-français avec enfant en bas âge.
La mère : «  Debout sur la chaise, je crois pas. »
Le père : « Ça va pas le faire, non. »
(cinq minutes plus tard, le moutard est toujours debout sur la chaise)
Deux pères trentenaires, l’un déjà divorcé, l’autre bientôt divorcé :
Le premier au second : « Le mieux, c’est encore la garde alternée. Parce que, quand tu l’as pas, tu peux faire la teuf, et quand tu l’as, tu l’as. »
Une fille qui pleure à sa copine : « Y me dit : Faut pas être triste, on n’a pas le temps d’être triste dans la vie. Ça me rend encore plus triste. »
Une quinquagénaire à une autre : « Ah, mon mari, tous les départements, il les connaît sur tous les doigts. »
(il a beaucoup de doigts)
Un quinquagénaire à un autre : « Le lac Majeur, c’est entre la Suisse et l’Italie. D’un côté, ils parlent italien. De l’autre côté, ils parlent suisse. »
Un jeune bourge de Paris à sa copine bourge de je ne sais où :
-Y a un café sympa, c’est celui du Petit Palais, dans une cour intérieure. Tu rentres par la collection permanente qui est gratuite et tu y vas, et là au moins, t’es sûr de pas te faire dégommer.
-Dégommer ?
-Par un mec avec une kalache.
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Ce jeudi après-midi, nouvelle séance de découverte de son instrument par Patrice Latour, le carillonneur de la Cathédrale de Rouen. Diverses musiques, du classique au populaire, dont Auprès de ma blonde et Domino.
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Depuis ce jeudi matin, un petit mot sur ma porte :
« Cher(e)s voisin(e)s,
Si vous avez été témoins auditifs de l’agression verbale dont j’ai été victime de la part de l’invitée d’une résidente de la copropriété alors que je lisais sur le banc mardi soir trente août deux mille seize, merci de me contacter soit directement, soit par téléphone, soit par mail. »
Un ou plusieurs témoignages, c’est mieux pour déposer plainte. Et point ne sera besoin de déranger la Police pour cela (qui a autre chose à faire).