Dédé d’Albert Willemetz et Henri Christiné au Théâtre Charles Dullin du Grand-Quevilly

28 décembre 2016


Y aller ou ne pas y aller ? Question que je me pose jusqu’au dernier moment à propos de Dédé qui se joue au Théâtre Charles Dullin du Grand-Quevilly en co-accueil avec l’Opéra de Rouen.
Comme j’ai repoussé pour cette opérette mon escapade parisienne du mercredi au jeudi, ce serait bête de renoncer. Je prends donc le métro et arrive là-bas le premier. La photo du spectacle est encore une image qui a peu à voir avec celui-ci mais qui peut donner envie d’y aller. Elle montre deux jolies jambes féminines (dont l’une est chaussée) cadrées des genoux aux pieds, une main invisible tenant un bouquet de pivoines. Cette fois, la photo est créditée. Son auteure est Emmanuelle Brisson. C’est aussi d’elle, ai-je appris d’une recherche, qu’était la photo du jeune homme torse nu jeté sur le matelas illustrant The Rake’s Progress.
J’ai place dans la partie supérieure de la salle. Derrière moi, une femme parle d’un ami à elle qui vient de mourir. Il était en phase terminale. Ce n’est pas une surprise, mais quand même, il y a beaucoup de gens qui meurent vers Noël. « J’ai un oncle, ajoute-elle, qui s’est suicidé la jour de Noël. Il s’est pendu. On y pense forcément à chaque fois ».
L’opérette Dédé créée en mil neuf cent vingt et un est censée chasser les idées noires. Dès le début je sais que ça ne marchera pas avec moi et que j’aurais mieux fait de ne pas. Cette histoire à rebonds et à quiproquos traitant d’adultère dans un magasin de chaussures est d’une niaiserie sans nom. Comme souvent le texte du livret n’est pas mis en avant par l’Opéra de Rouen, mais là je comprends ce souci de discrétion. Il est le fait  d’Albert Willemetz (qui aurait pu s’appeler Vermot). La musique est d’Henri Christiné. Elle est jouée par un petit orchestre qui fait songer à une harmonie municipale. Plus ou moins caché derrière des cloisons transparentes, il est dirigé par Jean-Pierre Haeck, ce chef belge que j’avais apprécié dans Offenbach. L’une des chansonnettes sort du lot : Dans la vie faut pas s’en faire, rendue célèbre par Maurice Chevalier qui a créé le rôle de Robert.
Annoncée durer une heure quarante-cinq, l’opérette Dédé me semble bien plus longue. Mon voisin doit penser la même chose, qui regarde l’heure sur son téléphone.
A l’issue je file. Je n’ai pas un caractère à me faire du tracas, mais je crains qu’il n’y ait plus de métro. L’écran de l’arrêt John Fitzgerald Kennedy me rassure. Il en reste un.
Ce dernier métro est à vingt-deux heures quarante-quatre. Dix-neuf minutes à l’attendre dans le froid, que je meuble mentalement en faisant la liste des choses que je n’aurai fait qu’une seule fois dans ma vie: aller à la patinoire, être le passager d’une moto, entrer dans une boîte de nuit, faire du ski de fond, et cætera, et cætera. A quoi s’ajoute désormais : assister à une opérette.
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Un peu d’immodestie ne peut me faire de mal en cette fin d’année deux mille seize. Ci-après, un sympathique message reçu juste avant Noël, signé de deux personnes dont j’anonymise les noms :
« Bonsoir, nous tenions à vous dire que nous avons passé avant-hier soir dans une brasserie de Cologne une excellente soirée en compagnie de votre journal, dont nous avons lu quelques extraits à haute voix. Il est vrai qu’il y avait aussi de la Kölsch. Bravo pour votre style, vos observations du public de l’opéra, de la bourgeoisie bourgeoisante, de la campagne électorale de 2014 que nous avons vécue de l’intérieur. Ixe Ixe, Zed Zed, centristes de droite. »
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D’Ygrec Bé, un correspondant plus ancien et inconnu qui s’adresse toujours à moi par un  « Cher Maître » :
« J'ai dégusté, avec une jubilation mélancolique, votre paperole récente. »