Echappée en Loire-Atlantique, seul comme Monsieur Hulot sur la Côte d’Amour

30 mai 2017


Après une bonne nuit dans un Hôtel de Bretagne devenu quasiment vide, ma dernière journée en Loire-Atlantique commence sous la pluie qui heureusement cesse avant l’arrivée du bus U Trois à Saint-Marc-sur-Mer où je reviens voir Monsieur Hulot.
En ce lundi d’après le pont, il est complètement seul sur la Côte d’Amour. Je lui suis une sorte de double, en moins lunaire. Je prends un café verre d’eau au Phil’Good, bar musical (changement de propriétaire), et y termine ma lecture de la Correspondance de François Truffaut dans l’édition du Livre de Poche, sept cent cinquante pages et la mort à cinquante-deux ans.
Je vais ensuite marcher de chaque côté de Saint-Marc-sur-Mer par des portions de sentier que j’avais manquées précédemment. La côte est superbe et sauvage, l’horizon brumeux à souhait. On voit les rouleaux de la mer foncer la tête la première et fracasser leur crinière devant les restaurants déserts. La fin de la chanson de Léo Ferré est au fond de ma pensée.
Sur l’un des panneaux explicatifs, je lis que Jacques Tati avait fait dresser un phare au bout de la jetée. C’est exactement là où j’ai fait pipi dans l’océan l’autre jour. Il faudra que je revoie son film.
Revenu au-dessus de la plage dite de Monsieur Hulot, je fais une pause sur un banc à peine sec. Des retraités descendent de voiture pour considérer le paysage :
-Tonton Dédé, y venait souvent par-là, y trouvait ce petit coin mignon et il avait raison.
A midi, c’est retour au France et à une table « en bordure » comme dit le personnel, parmi lequel cette fois un moustachu qui porte le ticheurte « Captain ». La jolie petite serveuse est présente. C’est elle qui m’apporte la demi-bouteille de muscadet que j’ai commandée. Elle la débouche avec dextérité et me fait goûter. Elle m’apprend qu’elle n’est pas espagnole comme je le supposais mais brésilienne. « Le Brésil, le pays du soleil », me dit-elle en regardant d’un air navré le paysage brumeux. « Parfois, c’est bien aussi comme ça », lui dis-je. Elle en convient (toujours donner raison au client).
Je choisis le hareng pommes à l’huile, puis pour me réhabituer, la pintade rôtie à la normande, enfin le fraisier. La salle se remplit d’habitués dont certains venus pour la Fête des Mères avec un jour de retard (je n’ose penser que la cause en est le menu plus cher le dimanche). Près de moi mange un homme seul, du type inspecteur des impôts. Il ne prend son café que lorsqu’il a fini la lecture de son Ouest France, commencée par le supplément sportif. La pintade est délicieuse.
Je prends le café au Phil’Good dont le patron nettoie les vitres.
-Hey chouchou, ça t’embête pas de faire les carreaux ?, lui dit sa serveuse qui auparavant travaillait à Pornichet.
-Non, ça me détend.
-Moi, je connais d’autres choses qui détendent.
Voilà une affaire qui commence bien.
Je rentre par un U Trois, passant pour la dernière fois au pied de la tour de dix étages au sommet de laquelle j’ai dormi pendant dix nuits. J’en descends à la plage de Villès Martin afin de parcourir encore une fois pédestrement la promenade de « Saint-Nazaire, une ville à la mer ».
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Le « Captain » du France à un trio vieillissant composé de deux femmes et d’un homme : «  C’est bien deux chèvres et un hareng ? » Traduire : «  C’est bien deux salades de chèvre et un hareng pommes à l’huile que vous avez commandés ? ».
Pourtant, l’homme ressemble assez à un hareng et elles deux à des chèvres.
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-Dans la famille, on en a eu des surdoués, des neveux, et tu sais où ils se sont retrouvés ? Au Lycée Expérimental de Saint-Nazaire, là où y a tous les rebuts. » (un prétentieux qui se fait offrir son repas par celui avec qui il a déjeuné, lequel demande une fiche)
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-Non ça ira, c’est gentil.
Façon pour l’un de refuser un café proposé par la serveuse à la fin du repas. Comme si celui-ci était offert.
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A la Maison de la Presse, sur un mur, encadrée, la une de Libération annonçant la mort de Jacques Tati : « Les vacances définitives de Monsieur Hulot ».