En lisant Adresses fantômes de Michel Longuet

23 septembre 2015


Bonne découverte que celle d’Adresses fantômes de Michel Longuet, né en mil neuf cent quarante-cinq, qui fit des études d’architecture avant de devenir illustrateur et réalisateur de courts-métrages d’animation. Dans ce livre publié chez Grasset en deux mille treize, il montre une sélection de dessins tirés de ses carnets, ceux concernant les adresses parisiennes « ici vécut » de Méliès, Lautrec, Marquet, Gauguin, Atget, Calder, Beckett, Michaux et Follain.
J’aime ses dessins mais encore plus les textes d’accompagnement qui narrent les circonstances dans lesquelles ils ont été faits, tout en constituant une sorte d’autobiographie en tranches ou en creux.
Echantillon :
A peine ai-je esquissé mon premier trait du 10 rue Cail, où Gauguin emménagea avec son fils Clovis, qu’une jeune fille en compose le code. Je me précipite. Savoir qu’un peintre habita l’immeuble est pour elle une bonne nouvelle. Elle s’intéresse à la peinture et sa voisine est critique d’art. Montez, me propose-t-elle. Je me retrouve alors dans un appartement des étages supérieurs, tout blanc. C’est peut-être celui de Gauguin ? dit-elle. En fait non, c’était au second. Comme dans ces séries policières à la TV le samedi soir, j’aurais pu lui arracher ses vêtements et la violer sur place, me dis-je une fois dans la rue.
Et de constater à une autre occasion :
A quoi bon une pince-monseigneur si un carnet de croquis ouvre toutes les portes ?
Plus que par les jeunes filles, c’est par les humains de son sexe qu’est séduit Michel Longuet, comme il l’évoque de-ci de-là se souvenant de sa jeunesse :
Un soir qu’on déambulait avec quelques élèves des Beaux-Arts entre les tables, une vieille Américaine nous invita à la sienne. A ses côtés, un petit monsieur avec une perle piquée dans sa cravate restait silencieux. Oh ! mais appelez-le, me dit l’Américaine le lendemain, il aime bien les jeunes gens. C’est ainsi que débuta ma relation avec Adrien.
Manque la porte cochère de l’hôtel du prince de Condé que j’ouvrais 2 fois par jour il y a 40 ans pour monter chez Pepito.
Dans les deux cas, on n’en saura pas plus.
Ceci encore que j’ai noté :
Le film était projeté dans l’entrée, j’en ai profité pour dessiner les spectateurs. Un couple voulut voir mon dessin. Tenez, leur dis-je, vous êtes là avec la rose. Oh ! merci, dirent-ils. Peut-être, êtes-vous un peu célèbre ?
Et pour finir :
Je dessine ce portrait d’Eugène Atget à la Bpi en m’inspirant d’une photo de Berenice Abbott. J’aime son sourire. Etonné qu’une jeune photographe s’intéresse à lui. Quelques jours plus tard, il était mort.
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Autre lecture, décevante celle-là, les mémoires d’Edna O’Brien publiés chez Sabine Wespieser sous le titre Fille de la campagne après avoir été traduits de l’anglais (Irlande) par Pierre-Emmanuel Dauzat. La vieille dame reste dans les généralités et y parle beaucoup trop de ses enfants.
Seul épisode que j’aie envie de sauver, son récit de tentative de première fois :
Je parlai de mes peurs et, les sentant, il me berça dans le creux de son bras, m’appela « Baby » et me dit que je n’avais pas avoir peur car « il pouvait entrer en moi comme dans du beurre ». Carrément choquant.
Montrant du doigt l’horloge murale, je dis qu’elles devaient rentrer à trois heures, ce qui nous laissait onze petites minutes de mamours. Me tenant vigoureusement, il dit qu’il était « un crac » et qu’il pouvait tout boucler en moins que ça. Le rêve d’amour, de ce lien mystique qui rapproche les âmes autant que les corps, était brisé, et je m’arrachai à son étreinte.
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Et ceci, avant de ranger A travers le vaste monde d’Erika et Klaus Mann (Payot) dans ma bibliothèque :
Quand on a demandé à George Gershwin comment il avait eu l’idée d’écrire sa Rhapsodie, il a répondu : « J’avais vingt et un ans et je vivais à New York. Que pouvais-je faire d’autre ? »