En lisant Avant et après de Paul Gauguin

21 novembre 2019


En décembre mil neuf cent deux, Paul Gauguin ne va pas bien, souffrant notamment d’eczéma aux jambes. Il ne peint plus et ne dort pas. Pendant ses insomnies, il rédige Avant et après qu’il souhaite voir publier au plus vite, sentant venir la fin (il mourra le huit mai mil neuf cent trois à l’âge de cinquante-quatre ans).
Ce livre, publié bien après sa mort, que j’ai lu dans l’édition de poche de La Petite Vermillon, part dans tous les sens et est miné par l’obsession de ses conflits avec les coloniaux, notamment les gendarmes.
De sa lecture, j’ai quand même tiré ceci :
Dans les livres d’Emile Zola, les blanchisseuses comme les concierges parlent un français qui ne m’enthousiasme pas. Quand elles cessent de parler, Zola, sans s’en douter, continue sur le même ton et dans le même français.
                                                                    *
… clouez visiblement une indécence sur votre porte : vous serez désormais débarrassés des honnêtes gens, les personnes les plus insupportables que Dieu ait créées.
                                                                    *
Tiens ! voilà la petite Vaitauni qui s’en va à la rivière ; je la connais pour avoir remarqué une matière cornée qui remplissait l’antichambre. Cette bisexuelle n’est pas comme tout le monde et ça vous émoustille quand piéton lassé on se sent impuissant. Elle a les seins les plus ronds et les plus charmants que vous puissiez imaginer. Je vois ce corps doré presque nu se diriger vers l’eau fraîche. Prends garde à toi, chère petite, le gendarme poilu, gardien de la morale, mais faune en cachette, est là qui te guette. Sa vue satisfaite, il te donnera une contravention pour se venger d’avoir troublé ses sens et par suite outragé la morale publique.
                                                                     *
Il est bon de le dire encore, sans cesse, toujours… comme les inondations, la Morale nous écrase, étouffe la liberté, en haine de fraternité ;
Morale du cul, morale religieuse, morale patriotique, morale du soldat, du gendarme…
                                                                     *
Un drôle de juge aux Marquises… Une jeune fille vient se plaindre que douze mâles venaient de la violer, sans la payer.
« C’est affreux », s’écria le juge, et de suite il fut le treizième mais il paya. « Tu comprends, ma petite, maintenant je ne peux juger cette affaire-là. »
                                                                     *
Bon ! voilà mon esprit qui voyage ; nous ne sommes plus en Océanie, mais en Afrique, ce bon continent que tout le monde veut se partager ou plutôt se disputer, si propice aux héros aventureux comme Marchand ; ce pays où, sous prétexte de civiliser, on égorge. Ennuyé de tirer sur les lapins, on tire sur la chair humaine.
                                                                      *
Ce qui est remarquable dans la grande Révolution, c’est que les meneurs ont été des menés. Un troupeau qui en mène un autre. Tout commence bien pour finir mal.
                                                                       *
Hélas, Gauguin raconte aussi l’histoire de bébé youtre qui au jardin des Tuileries par un échange de jouets escroque bébé chrétien, et son père qui s’en réjouit, « il ira loin comme moi ».