En lisant Hors cadre de Pierre Alechinsky

19 février 2024


Dans mon livre de train de mercredi dernier, Hors cadre de Pierre Alechinsky, j’ai lu en diagonale les textes théoriques sur la peinture, n’ai pas esquivé ceux qui évoquent les amis de l’auteur, Henri Michaux, Christian Dotremont et autres, ai surtout apprécié les pages groupant aphorismes et anecdotes. 
D’où cette sélection :
La peinture monumentale commence quand le peintre grimpe sur une chaise.   
Le téléphone ? Ne répondre que pour interrompre la sonnerie. 
Il triait son courrier au petit bonheur : les lettres dignes d’être ouvertes et les autres à renvoyer aussitôt à l’expéditeur avec un cachet à son nom, Max Ernst, et la mention : non ouverte par manque d’intérêt. 
Les sages disparurent (devant lesquels il avait à répondre) et le sexagénaire fut livré à lui-même.
Sur le bord d’une route, entre Gisors et Beauvais, un réparateur de pneus s’écrie : « Je vous reconnais ! Vous étiez dans le jury d’admission qui m’a accepté à l’Ecole des Beaux-Arts. ». 
Je n’ai pas encore peint mon dernier mot. 
Le minimaliste se braque quand on ne lui accorde pas une attention maximale. 
–Quelqu’un se sert-t-il d’un pinceau ?
Ils m’apportèrent leurs brosses, en élèves d’une école de danse qui auraient pris, des années durant, des galoches pour des chaussons.
–Ton père, n’était-il pas tailleur ?
A ce questionneur (plus précisément à son idée derrière la tête), je rétorque :
– Pas juif à ce point. 
« Le mouvement s’exécute pour s’arrêter en substituant au commandement de MARCHE celui de HALTE », me lit Pierre Dumayet ouvrant le Règlement de Manœuvre d’Infanterie (Imprimerie-Librairie Militaire Universelle, Paris, 1914). 
–Jusqu’à quel âge avez-vous éprouvé des difficultés économiques ?
Réponse de Bram van Velde :
–Jusqu’à trop tard. 
Joyce Mansour non loin de sa fin : « Je fais semblant de m’amuser, mais à l’intérieur il n’y a pas grand monde. ». 
Lorsqu’enfin la parenthèse se referma, l’idée avait disparu.
                                                                      *
A propos du titre d’un de ses tableaux, Alice grandit :
Cette forme, pour laquelle je donnerais aujourd’hui le surnom de Libidinette (trop tard, c’est joué) et que j’ai par les mots induite à devenir fillette qui grandit, me diffuse ses harmoniques : antériorités où pointe l’Alice sauvage de Nabokov, La Jeune Fille et la Mort de Schubert, une petite fille espérée, non venue (j’ai deux fils) ou l’impubère et formidable baiser dans l’odeur de foin d’un lointain, toujours proche, été de vacances. Mon Alice subpeinte, entourée de convoiteux parmi lesquels je figure, ne figure pas tout à fait, hésite, rêve, regrette, désire dans ses lignes et vagues.
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Dans Hors cadre aussi, cette citation de Paul Klee : Personne ne songera à exiger de l’arbre qu’il façonne ses branches sur le modèle de ses racines. 
Et cette autre de Marcel Havrenne : Les optimistes sont ceux qui comptent sur les autres.
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Pour finir, la blagounette de Pierre Alechinsky :
–Perrier ou Evian ?
–Evier.