En lisant Le Journal secret de Léo Malet (Un)

25 novembre 2014


Un moment que je voulais trouver le Journal secret de Léo Malet, précisément depuis que je connaissais son existence par les Mémoires de Francis Lacassin qui en signe la préface. Que celle qui était avec moi à Conches-en-Ouche, le jour de la Foire aux Livres, mette la main sur un exemplaire à vingt centimes de cet ouvrage publié au Fleuve Noir m’a fait bien plaisir.
Sa lecture aussi, qui montre un Malet vieillissant, déprimé, suicidaire, souffrant d’impuissance sexuelle avec son amie Christiane suite à la mort de sa femme Paulette qu’il s’accuse d’avoir tuée ayant fait l’amour avec elle la veille de sa crise cardiaque. Sans les nichons et le cul de la femme qu’on aime, à quoi peut-il servir de vivre ? On sait bien pourquoi se sont suicidés Hemingway, Romain Gary et quelques autres. écrit-il le mardi dix août mil neuf cent quatre-vingt-deux.
Christiane était la fille de sa voisine, connue alors qu’elle descendait l’escalier sur la rampe jupe relevée, retrouvée bien plus tard :
Je ne suis pas prêt de te rebaiser… Quel âge avais-tu ? Vingt-deux ans ? Ah nom de Dieu ! le vieux loup a envie de mordre.
Vingt-cinq ans de différence, je me répète ça comme un poème. (samedi quatre septembre mil neuf cent quatre-vingt-deux)
Je l’ai branlée deux fois. Deux ou trois fois, je lui ai bouffé le cul, j’ai fourragé avec ma langue dans son con adoré. Et à un moment, alors que mon doigt s’activait, elle s’est ouverte, mouillant comme pas une. Tout son vagin s’ouvrait, appelant le membre viril. Mais hélas ! je ne bandais pas. J’aurais peut-être bandé suffisamment pour la baiser, si elle avait consenti à me sucer la queue, mais elle s’y est refusée. Ah non, ce n’est pas une putain… et pourtant, je n’ai jamais rencontré une fille qui possède un « air baiseur » comme elle. « On m’a toujours dit que j’étais une statue, me dit-elle. Une statue froide comme celles du jardin du Luxembourg. » (vendredi vingt-deux avril mil neuf cent quatre-vingt-trois)
D’autres passages ont fait également ma joie :
Passé à la poste, retirer du fric. La jeune et jolie guichetière (l’aguichante du guichet), après avoir regardé ma carte d’identité : « Vous êtes l’auteur de romans policiers ? »… C’est flatteur, ça me fait plaisir, mais ça ne me rend pas ma santé d’il y a encore deux ans et ma virilité. (vendredi quinze avril mil neuf cent quatre-vingt-trois)
Fin d’après-midi. Le couloir est vraiment trop poussiéreux. Je demande conseils de nettoyage à Mme Piétri. Elle s’offre pour faire le boulot. Ça devient gênant. Je le répète : j’ai rarement rencontré quelqu’un d’aussi serviable. Elle est du parti socialiste. Ce sont des gens comme ça, des types généreux, gentils et serviables qui forment, en gros, la base de la gauche… et tout se termine ensuite dans la misère et le sang… (samedi seize avril mil neuf cent quatre-vingt-trois)
Chaque jour, à mon réveil, je me découvre de plus en plus misanthrope et hypocondriaque. Et cyclothymique, avec ça. J’ai tout pour plaire. (lundi six juin mil neuf cent quatre-vingt-trois)
Je rentre en métro. Collection de têtes de cons habituelles. (mardi quatorze juin mil neuf cent quatre-vingt-trois)
« Apostrophes ». Alain Duglan (le bien nommé. Et par lui-même) présente son bouquin paru chez Lattès. Quand je pense que ce type, qui ne jurait que par moi, m’a fait connaître les Editions des Autres… Je me rappelle notre première entrevue, à la maison. La conversation vient sur les enfants. Yeux écarquillés du gars, faciès émerveillé. « Je suis papa depuis trois jours ! » Quel con ! (vendredi dix-huit juin mil neuf cent quatre-vingt-trois)
Dans l’après-midi, en prenant un bain, je me branle, quoique mon sexe ne soit pas en érection. Impression pénible. Vraiment … ne pourrais-je plus jamais ?... Il faudra que je me résolve à sauter le pas. Quand on demeure au neuvième étage, ça devrait être facile. (mardi vingt-huit février mil neuf cent quatre-vingt-quatre)
Léo Malet mourra une nuit devant sa télé, trouvé au matin par monsieur Piétri, son voisin.