En lisant Refus de témoigner de Ruth Klüger

28 octobre 2015


Lecture est faite de Refus de témoigner de Ruth Klüger (Editions Viviane Hamy) dont le titre allemand Weiter Leiben (Continuer à vivre) est plus conforme à l’intention et aux propos de l’auteure, rescapée des camps nazis où elle fut déportée avec sa mère entre onze et quatorze ans (Theresienstadt, Auschwitz, Christianstadt).
D’elle :
L’individu libre est imprévisible, on ne peut pas se fier à lui. L’individu libre est dangereux pour les autres. Cela vaut pour les êtres humains plus que pour les animaux qui très tôt cessent d’apprendre, comme nous l’a si bien montré le grand éthologiste. Dès lors que l’animal a cessé d’apprendre, son comportement devient prévisible, il est programmé pour la vie. En revanche, on ne pouvait pas prévoir le comportement de l’éthologiste : il est devenu nazi, grand prêtre chez ces gens-là, puis il est redevenu un contemporain raisonnable avec des opinions politiques défendables.
Aussi :
Je veux dire que l’holocauste ne peut pas s’expliquer par cet argument des instincts paléolithiques ni par l’exemple des souris du vétérinaire. Le nazisme était le produit d’une haute civilisation, qui était sortie de ses ornières boueuses, nul ne pouvait prévoir comment ni quand, alors que le comportement primitif, où les ornières sont encore fraîches et bien tracées, est assez systématiquement prévisible. Ce qui s’est passé alors en Allemagne était civilisé et par conséquent arbitraire. Arbitraire signifie librement choisi.
Incidemment :
Les romans policiers ont un côté rafraîchissant par leur réalisme moral, car dans un roman policier, tous les personnages se rendent suspects du seul fait qu’ils apparaissent.
Enfin :
Il n’y a que les enfants qui soient plus dépendants que les femmes, c’est pourquoi les mères sont souvent si dépendantes de la dépendance de leurs enfants à leur égard.
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Paul Claudel, décembre mil neuf cent quarante, Paroles au Maréchal, Poème :
Monsieur le maréchal, voici cette France entre vos bras, lentement qui n’a que vous et qui ressuscite à voix basse. (…)
France écoute ce vieil homme sur toi qui se penche et qui te parle comme un père
Fille de Saint Louis, écoute-le ! et dis, en as-tu assez maintenant de la politique
Ecoute cette voix raisonnable sur toi qui propose et qui explique
Paul Claudel, décembre mil neuf cent quarante-quatre, Au Général de Gaulle, Poème :
Tout de même, dit la France je suis sortie (…)
Et tout de même, il y a quelqu’un qui est moi-même, debout ! Et que j’entends qui parle avec ma propre voix…
(Trouvé dans L’Affaire Maurras de Jean-Marc Fédida (Rue Férou/L’Age d’Homme)