En lisant la première partie des Carnets (Les années Jules et Jim, 1920-1921) d’Henri-Pierre Roché (un)

20 janvier 2016


Il serait temps, au moment où les Cahiers de L’Herne lui consacre leur dernière livraison, que je partage les notes prises lors de ma lecture des Carnets d’Henri-Pierre Roché, sous-titrés Les années Jules et Jim, première partie, 1920-1921.
Ces carnets sont publiés par André Dimanche Editeur avec une préface de François Truffaut, lequel fit connaître Roché après avoir trouvé chez un bouquiniste Jules et Jim qui raconte de façon romancée son histoire à trois avec l'écrivain allemand Franz Hessel et son épouse Helen (les parents de Stéphane Hessel) et qu’il publia à l’âge de soixante-quatorze ans.
Truffaut adapta ensuite Deux Anglaises et le continent, autre roman de Roché, et resta ami avec lui jusqu’à sa mort, trois ans après l’avoir découvert. C’est encore Truffaut qui fit dactylographier ces Carnets qu’il serait plus juste de nommer « Journal intime » mais, comme il l’explique dans sa préface : après deux ans de frappe, la secrétaire à domicile que nous avions chargée de ce travail, a préféré renoncer tant elle était troublée et choquée par ce qu’elle croyait deviner de « cruauté inconsciente » dans le comportement de ce Don Juan du vingtième siècle.
Henri-Pierre Roché tint son Journal intime de mil neuf cent cinq à sa mort en mil neuf cent cinquante-neuf. Cette première partie des années Jules et Jim est hélas la seule à avoir été publiée. On peut y constater que ce qu’on appelle la révolution sexuelle était déjà de mise dans un certain milieu intellectuel et artistique bien avant Mai Soixante-Huit.
Marburg, samedi dix-sept juillet mil neuf cent vingt, à propos de W, l’une de ses amantes :
… et j’ai retrouvé son corps identique, de sainte, ses seins minimes et parfaits, sa légère odeur pure, et son bassin frêle qui toujours me donna grand-peur d’y mettre un enfant. –D’où vient ma modestie pour la reproduction, quand je vois tous les monstres que les gens n’hésitent pas à mettre au jour ?
(…)
Le petit neveu de W. attrape autour de moi des papillons et me dérange souvent. –A force de soin et de ferme bonté elle est fichue d’en faire un homme. –Mais si j’étais le père de ce petit de huit ans aux dents avançantes, je ne me le pardonnerais pas.
Marburg, jeudi vingt-deux juillet mil neuf cent vingt, cinq jours plus tard :
… et c’est bien plus facile de ne pas faire d’enfants à une qui adore l’amour, et qui se complaît à vous arracher le sp. diversement et autrement, qu’à une qui se laisse faire calmement.
                                                                   *
On verra plus tard que cette horreur des enfants qu’exprime Henri-Pierre Roché sera remplacée par l’obsession d’en faire un à Helen Hessel.
                                                                   *
Lexique : sp. pour spend (orgasme).