Encore un mercredi à Paris (et découverte de deux braves gars de chez nous au retour)

20 juillet 2018


Le sept heures vingt-quatre pour Paris est à l’heure ce mercredi, un train à étage aux sièges colorés dans lequel tout le monde est assis et où aucun contrôleur ne vérifie les billets. Nous sommes en sécurité : trois baraqués de la Sureté Ferroviaire dorment à côté en première. Cette arrivée précoce me permet de musarder avec le bus Vingt. Qu’il est doux de se laisser transporter au milieu d’une agitation incessante. Place de la République, l’association Droit au Logement a réinstallé sa tente et clame encore et toujours qu’un toit c’est un droit.
Arrivé au Café du Faubourg je lis dans Le Parisien que les loyers de la capitale explosent depuis que leur encadrement a été annulé par le Tribunal Administratif. Le serveur et la serveuse ont un ticheurte siglé La Barge. Heureusement qu’elle n’est pas la seule à le porter. Je demande pourquoi. C’est l’opération publicitaire d’une bière artisanale brassée sur une péniche amarrée sur la Seine.
Chez Book-Off, je côtoie deux néophytes qui n’en reviennent pas de tous ces livres à un euro, des quinquagénaires venus de leur campagne. J’ai tôt fait de les nommer Bouvard et Pécuchet, Denis et Jean-Paul de leurs prénoms. Chacun remplit un panier à ras bord. Je me contente de neuf livres, dont Flaubert ou le désert en abîme de Jacques Chessex (Grasset).
A midi, je déjeune au Rallye, mon coutumier Péhemmu chinois, où deux tables sont en permanence réservées à des employées du quartier. Désormais, elles téléphonent leur choix de plat et l’heure précise où elles seront là de manière à ce que leurs assiettes fumantes soient déjà servies quand elles entrent.
D’autres femmes, plus âgées, ne sont là que pour jouer. L’une d’elles, bob sur la tête, déjà présente lors de mon arrivée y est encore à mon départ, jouant à ce jeu de numéros à cocher dont le tirage se fait sur l’écran, une partie succédant à une autre. Sa devise doit être « Je perds donc je poursuis ».
A treize heures, je retrouve à la terrasse du Week-End celle qui travaille pas très loin. Elle me raconte son Quatorze Juillet avec retraite aux flambeaux dans la bourgade où habitent désormais ses parents et je l’entretiens de mon prochain projet d’escapade.
Le train du retour à Rouen, le dix-sept heures quarante-huit, est à l’heure. Aucun contrôleur n’y vérifie les billets mais une étudiante employée par le Comité de Tourisme d’Ile-de-France y enquête sur les voyageurs ayant passé au moins un nuit à Paris, un très petit nombre.
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A l’aller comme au retour je lis Relations et Solitudes, le recueil d’aphorismes d’Arthur Schnitzler (Rivages Poche). Il n’est pas doué pour le genre, verbeux, moralisateur. De cette lecture ennuyeuse, je ne sauve que Cela fait partie des besoins érotiques de beaucoup de femmes que leurs amies aient des aventures.
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Grâce au Monde, Alexandre Benalla passe de l’ombre à la lumière. Le premier mai dernier, il a brutalisé une jeune femme puis tabassé un jeune homme place de la Contrescape en ce jour de manifestation où, un peu plus tôt, il portait illégalement un brassard de policier.
Il occupait ainsi son congé en compagnie de son ami Vincent Crase, premier à frapper le jeune homme. Ce Benalla est le Chef de Cabinet Adjoint d’Emmanuel Macron. Ce Crase est employé de La République En Marche. Tous deux ont fait l’objet d’une sanction interne minime : quinze jours de mise à pied.
Crase est un ancien gendarme originaire de l’Eure. Benalla vient d’Evreux, précisément du quartier de la Madeleine, il a été vigile à Rouen (portier comme ils disent) à L’Euro, le bar du soir de la place du Vieux, tout en commençant à grenouiller au Parti Socialiste, a ensuite servi Aubry, Hollande et Montebourg qui le vira pour avoir voulu prendre la fuite après un accident quand il était son chauffeur. Ensuite, il est devenu copain avec le candidat Macron, l’homme de la République exemplaire, période pendant laquelle il fit déjà preuve de violence à l’encontre d’un journaliste, d’un photographe et d’un militant communiste.
Dis-moi qui tu fréquentes, je te dirai qui tu es.