Escapade dieppoise un lundi

11 juillet 2018


Ce lundi matin, je suis entouré d’une dizaine de pré-branlotin(e)s dans le petit train qui mène à Dieppe. Elles et eux sont calmes, pour la raison qu’ils ne se connaissent pas. L’un verse une larme. L’une des trois filles en ticheurte orange siglé « Cer base de Dieppe » qui encadrent ce séjour d’une semaine à la mer lui énonce le programme, un tas d’activités physiques, et puis demain soir on regarde le match.
-Tu vas voir, ça va passer vite.
Il y a aussi deux branlotins desquels une pré-branlotine essaie d’attirer l’attention. L’un ne cesse de parler, notamment de ses vacances prochaines.
-Mes parents ont pris des places en première classe, moi et mon frère on sera en seconde, trop bien, on va faire que les cons.
Cette fois j’ai emporté mon appareil photo. Vais-je encore trouver ce qui avait attiré mon œil il y a des semaines dans la vitrine de la boutique d’articles de fêtes Le Capricorne, quai Duquesne : un tablier illustré d’un corps d’homme nu à la bite turgescente. Il y est toujours, ce qui prouve que dans cette ville on peut exposer ce genre d’image dans un lieu fréquenté par des mineur(e)s sans que personne ne s’en offusque. Je fais ma photo puis vais prendre un café à la terrasse du Tout Va Bien.
Il fait presque aussi chaud qu’à Rouen mais ce beau temps n’attire pas les masses. A midi, je déjeune à l’ombre d’un parasol du Taj Mahal où l’on écoute un cousin de Nusrat Fateh Ali Khan. Le menu est à treize euros cinquante, nan au fromage inclus : beignets de crevette, curry de poisson avec riz basmati et pâtisserie maison. Près de moi sont assises deux jeunes femmes. Elles ont deux impératifs : manger en quarante-cinq minutes, offrir leurs jambes au soleil. L’une narre sa dernière sortie à l’autre qui ne pipe mot, en résumé : « une soirée de merde ». C’est l’heure où le Seven Sisters crache de la fumée noire avant de quitter le port pour rallier New Haven.
Ce n’est pas un jour à bronzer tranquillement sur la plage car le Tour de France à la Voile est là. Il semble intéresser peu de monde mais impose la présence d’une énorme infrastructure sur le front de mer, laquelle diffuse le commentaire des épreuves à haute puissance.
Le calme qu’il me faut est en ville, à la terrasse du Brazza dont le café se paie un euro trente. J’y poursuis la lecture des Lettres choisies de Joseph Roth.
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Dans une boîte à livres rouennaise, un ancien ouvrage signé par Laurent Fabius : C’est en allant vers la mer. Vu ce qui est arrivé au Parti Socialiste, il aurait dû appeler ça C’est en allant vers l’amer ou bien ajouter un sous-titre C’est en allant vers la mer (pour sauter du haut de la falaise).