Euskadi dixième : San Sebastián

16 avril 2016


Ce vendredi, à l’abri d’une petite pluie, j’attends à la halte routière de Saint-Jean-de-Luz qu’arrive le Huit Cent Seize, l’autocar de la compagnie Transports-Soixante-Quatre qui fait la liaison Bayonne Hendaye. A huit heures huit, j’achète à sa conductrice un billet jumelé avec le Topo qui fait la liaison Hendaye Saint-Sébastien (San Sebastián ou Donostia), cinq euros pour le tout, aller et retour, dix kilomètres en France, vingt kilomètres en Espagne.
Ce Topo part de la gare d’Hendaye toutes les demi-heures, à trois et à trente-trois. C’est, je le découvre, un véritable métro, moderne, d’un joli gris, où l’on peut mettre son vélo. Son nom signifie la taupe, mais heureusement il ne la fait pas tout le temps. Où donc dois-je descendre ? Je ne le sais pas. Plus il s’emplit de voyageurs, plus je me le demande. Je montre mon plan de la ville aux deux dames espagnoles qui sont mes voisines. Elles ne me comprennent pas. Heureusement, un autre voyageur vient à mon secours. C’est un Français expatrié (comme on dit).
-Là où je descendrai, vous descendrez, me dit-il
Il m’explique que je devrai aller par la rue Easo. Au bout sera la plage, à droite le port et la vieille ville. Tout cela n’est pas loin, c’est une petite ville.
Lorsque nous descendons, il me demande d’où je suis.
-Ah Rouen ! J’en ai de bons souvenirs. Quand j’habitais à Paris, j’y avais une fiancée. Je prenais le train chaque week-end pour aller la retrouver.
Je remercie ce compatriote, lui souhaite une bonne journée et fait comme il a dit. Je suis déjà venu ici, il y a plus de dix ans, en voiture, et me souviens du port où se tenait un rassemblement de nationalistes énervés, l’une des leurs venait de se suicider dans une prison française. Je reconnais aussi les rues de la vieille ville, assez semblables à celles de Bilbao, retrouve les églises et la place de la Constitution aux fenêtres numérotées jusqu’à cent quarante-sept. Une vieille femme est à la sienne où est accrochée une cage à oiseau. Celui-ci chante à tue-tête, un peu plus tard quand je repasse par là.
Les cafetiers et restaurateurs terminent d’installer leurs terrasses sur cette place hautement touristique. Ce n’est pas chez l’un d’eux que je déjeune mais dans la petite rue Juan de Bilbao où se concentrent les tenants de l’indépendance du Pays Basque, chez Suhazi. La salle de restaurant est à l’étage. Ses nombreuses fenêtres sont à carreaux de verres dépolis. Un homme y mange avec son journal. Deux femmes s’installent tout au fond pour se dire des secrets. J’ai déjà mangé ici autrefois sur le conseil du Routard. Cette fois je suis déçu : une crêpe à la sauce blanche, du porc pané à la sauce blanche, une mousse de citron, rien de bon. La cuisinière fait aussi le service. Je paie treize euros trente, vin et café inclus, laisse un euro soixante-dix pour le service.
Dans l’après-midi, lassé de cette ville qui m’avait pourtant fait de l’effet la première fois,  je retrouve le point de départ des métros et monte dans celui pour Hendaia.
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Donastia est, cette année deux mille seize, la Capitale Européenne de la Culture. Cela ne se voit pas.
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Dans le Huit Cent Seize, pour annoncer les arrêts, la voix féminine que l’on entend est la même que celle des transports en commun rouennais. C’est un phénomène paranormal.