Exposition Magritte : La trahison des images au Centre Pompidou

11 novembre 2016


Par temps pluvieux, quoi de mieux à faire que visiter une exposition consacrée à un artiste que l’on aime peu. Me voici donc au sixième étage du Centre Pompidou où se tient Magritte : La trahison des images, me souvenant de la visite faite au Musée Magritte à Bruxelles en deux mille onze, lorsque j’étais bien accompagné.
Il y a du monde mais sans excès.
-C’est intrigant, constate une visiteuse devant Ceci n’est pas une pomme.
Ce fantastique, cet onirisme, ce surréalisme ne suscitent en moi qu’un intérêt relatif, d’autant que certaines toiles sont trop connues, ayant servies à illustrer des couvertures de romans ou autres.
Un gardien s’est endormi sur sa chaise. Des presbytes font des photos en regardant par-dessus leurs lunettes. Des sexagénaires s’instruisent avec un guide humain qui leur parle dans l’oreillette. A l’issue celui-ci récupère son matériel en leur disant :
-Si vous avez des questions, sachant que c’est inexplicable.
Un bon moyen de n’en avoir pas et de pouvoir tracer.
Quand même je retiens, pour son obscénité, un tableau des débuts, La Lampe philosophique montrant, près d’une bougie serpenteuse, un homme (lui-même ?), de profil, l’œil gêné, son gros et long nez plongé dans sa pipe, et vers la fin Les promenades d’Euclide à la perspective trompeuse.
En sortant de là, conséquence du sale temps de novembre, une douleur me prend dans la gorge et l’oreille droite qui nuit à mon exploration du deuxième Book-Off. Je suis content de pouvoir m’asseoir dans le train du retour avant même qu’il soit affiché. Le dix-huit heures trente part toujours de la voie dix-huit.
Un peu avant son départ, une fille s’installe à côté de moi, c’était la dernière place libre de la voiture. Elle lit La Fille du train de Paula Hawkins. Ce train avance bien, du moins jusqu’à Gaillon Aubevoye où il est « retenu par un problème de signalisation », ce qui nous vaut cet exquis message du chef de bord :
-Le train risque de repartir d’un moment à l’autre.
Il repart, mais un nouveau message nous annonce vingt minutes de retard à l’arrivée « suite à un problème d’adhérence dû aux conditions atmosphériques » Il drache sévèrement, c’est vrai, et notre pauvre petit train patine dans la semoule, ce qui fait sourire ironiquement les quelques voyageurs qui vont jusqu’à Rouen, sauf la fille du train qui ne décolle pas les yeux de sa lecture.
A l’arrivée, l’averse redouble et la douleur dans mon oreille également. Malgré le parapluie new-yorkais, je suis dégoulinant avant d’être à la maison. « Ouaip, today was a fucking sad day... », m’écrit celle qui me l’a offert.
                                                                  *
René Magritte peignait bien les nus, il eut pu en faire davantage.
                                                                  *
Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître. Et dans ce clair obscur, surgissent des monstres... Certain(e)s cherchent à se rassurer en citant le marxiste Gramsci, un propos tenu avant la Deuxième Guerre Mondiale et donc anachronique, par ailleurs empreint d’un optimisme illusoire.
Il n’y a pas de vieux monde, ni de nouveau monde à venir. Il n’y en qu’un qui va de catastrophe en catastrophe.
- Les hommes naissent mauvais, dit Mangeclous. Et la société les rend pires. (Albert Cohen)
                                                                  *
J’écris ce texte jeudi après-midi à l’Ubi, il sera lisible le onze novembre deux mille seize, jour du dixième anniversaire de ce Journal qui commença ainsi :
Onze novembre deux mille six, jour anniversaire de la fin de la Grande Boucherie, je sors du bois. Désormais libéré du joug du travail et libre d'apparaître pour ce que je suis sans craindre de fâcheuses retombées professionnelles.