Exposition Maurizio Cattelan à la Monnaie de Paris (avec petite surprise finale)

18 novembre 2016


Un peu décevant mon repas à dix-neuf euros soixante boisson comprise Chez Céleste ce mercredi, une salade de morue trop sèche et un almondigas (boulettes de bœuf, frites, riz) trop boulette. Ma pêche aux livres ne me donne guère plus de satisfaction. Qu’importe, un bus Quatre-Vingt-Six bondé m’emmène jusqu’à Cluny d’où pédestrement je rejoins l’imposant bâtiment de la Monnaie de Paris, face au square du Vert-Galant. On y expose une sélection d’œuvres du controversé Maurizio Cattelan.
Je montre mes quelques livres au vigile, paie douze euros à une caissière à qui je reproche d’utiliser le sans contact de ma carte bancaire avant de m’en avoir demandé la permission, trouve un euro pour enfermer mon sac à dos dans un casier puis grimpe l’escalier à tapis rouge qui mène à l’étage que se partagent le lieu d’exposition et le restaurant Guy Savoy, trois étoiles au Michelin, premier menu dans les trois cent quatre-vingts euros, à la carte compter deux cents euros hors boisson.
Certains critiques dénigrent Maurizio Cattelan, artiste autodidacte et plein de fric, le qualifient de charlot et de petit malin. Peu me chaut, j’aime ce qu’il fait, ce qu’il a fait est-il plus exact d’écrire car il s’est asséché.
L’une de ses pièces les plus connues occupe la grande salle par où on entre. Jean-Paul le Deuxième, Pape, gît sur la moquette, une météorite lui ayant broyé les jambes. Régulièrement, un petit Maurizio à tambour s’en réjouit, assis sur la rambarde de pierre de l’étage supérieur, faisant lever la tête aux visiteurs et déclencher quasi automatiquement la prise d’une photo.
Dans les salles suivantes, plus petites mais à miroirs, sont visibles le cheval fixé en haut d’un mur par la tête, celle-ci invisible scellée dans la pierre (« Il n’a pas de sexe », constate une jeune femme glissée dessous), l’écolier aux mains clouées dans la table par des crayons, les gisants de marbre blanc représentant des corps d’immigrants enveloppés dans un sac, le sosie de Massimo à échelle réduite accroché à une patère, le même allongé sur un lit avec son double ou lui encore accroché au plancher, le sol s’étant ouvert sous ses pieds. Le meilleur est pour la fin, c’est Him, déjà vu autrefois. A genoux, en prière, le touchant personnage, lorsqu’on en fait le tour, révèle sa moustache et sa grande mèche.
Les notices explicatives sont signées de diverses autorités de l’art et d’ailleurs. L’une d’elles, due à Massimo de Carlo, galeriste, habille pour l’hiver Augustin Trapenard (ce fâcheux sévissant autrefois sur France Culture) qui dans un article s’en est pris à l’artiste exposé.
Une douzaine d’œuvres pour douze euros, cela vous met l’œuvre à un euro le regard, aussi est-il raisonnable de les voir plusieurs fois. Pour ce faire, je regagne la salle papale et découvre dans une annexe un sans abri sous une couverture sale dont ne dépasse qu’un pied. Le cartel suggère qu’il pourrait s’agir de l’artiste lui-même.
Assis sur l’un des bancs, j’observe les arrivant(e)s. Un trentenaire tient à faire savoir au gardien qu’il l’a déjà vu, ce pape écrasé, dans une série télé. Un trois ans, venu avec ses grands-parents et sa sœur de cinq, en a peur. A force de le regarder ce Jean-Paul renversé, je réalise qu’il est impossible d’être fauché à hauteur des jambes par une météorite.
Revenu voir Him, je trouve les deux moutards, le trois ans et sa sœur de cinq, à genoux en prière près de lui. Quand leur grand-père s’en aperçoit, il fait une photo. La grand-mère est un peu choquée : « Quand même, il a tué des millions d’hommes ! »
Eux partis, je demande au gardien, qui comme tous les autres a la peau noire, si c’est difficile pour lui de cohabiter avec ce personnage.
-Ah non, me dit-il, ça reste une œuvre d’art.
En ressortant, je découvre deux autres œuvres imposantes que je n’avais pas vues en montant : le cheval suspendu par des sangles au-dessus du grand escalier et sur le mur de celui-ci la femme crucifiée de dos emballée dans une caisse de transport d’œuvre d’art dont il ne reste plus qu’à mettre le couvercle.
Alors que je suis là à contempler par en dessous le canasson suspendu, je vois sortir une tête connue du restaurant Guy Savoy, un avocat petit et trapu dont le nom m’échappe. Il est suivi d’une autre, François Baroin, le second de Sarkozy (il a choisi le mauvais cheval). Une femme se précipite, lui serre la main :
-Je voulais vous dire que dimanche, je vais aller voter Sarkozy à la Primaire.
-Merci madame, lui répond-il.
L’avocat petit et trapu a pris de l’avance. Baroin descend l’escalier à tapis rouge devant moi sans que le sol ne s’ouvre sous ses pieds ni qu’un cheval dont les cordages céderaient ne l’écrabouille.
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Rentré à la maison, j’enquête sur Internet et retrouve le nom de l’avocat : Francis Szpiner. Sa page Ouiquipédia est éloquente.
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Il semble qu’un certain nombre d’électeurs de la Droite aient fini par comprendre que s’ils ne veulent pas de Juppé, il ne faut pas qu’ils votent Sarkozy au premier tour de la Primaire, lequel serait forcément battu au second, mais qu’ils doivent voter Fillon.