Exposition Warhol Unlimited au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris

8 octobre 2015


Dix minutes seul (avec les trois gardiens assis sur leur chaise) dans l’immense salle en angle droit courbe (si je puis dire) où sont accrochées l’une contre l’autre les cent deux parties de Shadows, l’œuvre « hors norme » d’Andy Warhol « jamais montrée en Europe dans son intégralité », c’est le privilège que je m’offre ce mercredi matin, trois ans après ma visite de The Andy Warhol Museum de Pittsburgh (sa ville natale) en compagnie de celle à qui je pense fort car elle s’envole ce même jour pour Tokyo afin d’éclairer l’exposition du grand architecte américain.
Pour ce faire, j’ai laissé dans les premières salles de l’exposition Warhol Unlimited celles et ceux entrés en même temps que moi au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, à dix heures passées, après que France Inter qui y faisait émission et visite privée a eu replié ses calicots et remballé ses dernières caisses de limonade.
Cette promenade dans l’univers coloré et répétitif d’Andy est des plus agréables. Quand me rejoignent d’autres, je rebrousse et vais de série en série : soupes fleurs autoportraits chaises électriques vaches Jackie Mao, choses connues présentées en quantité limitées. Une salle est consacrée aux Screen Tests, ces films courts offrant des célébrités à la vénération, parmi lesquelles Marcel Duchamp. On y voit aussi le pornographique Mario Banana devant lequel passent, sans y voir autre chose qu’une anodine gourmandise, des moutards et une institutrice stressée « Chut chut, qu’est-ce qu’on a dit » cornaqués par un guide à tête d’artiste. Une autre classe erre plus loin. Warhol serait-il un artiste pour enfant ? Beaucoup d’aspects de son œuvre prouvant le contraire ne sont pas montrés ici.
L’aventure avec le Velvet Underground est évoquée dans un couloir par des fac-similés, des photos et quelques citations de la critique d’alors : « C’est un spectacle vulgaire et de mauvais goût qui n’aurait jamais dû voir le jour. » (Hotline, mai soixante-six), « Le Velvet Underground devrait retourner sous terre et répéter. » (The Beat, même date). A quoi Warhol répondait dans le Detroit Magazine de janvier soixante-sept : « S’ils supportent dix minutes, on joue quinze. Notre politique, c’est qu’ils n’en redemandent jamais. »
Peu prennent le temps de lire ça. La plupart ne s’intéressent qu’aux images colorées.
-Je trouve ça joli moi, je connaissais pas du tout, déclare un quinquagénaire à la femme qui l’accompagne.
Je repasse par la salle Shadows, maintenant partagée avec beaucoup mais pas trop, puis franchis le rideau de sortie, suivi du guide à tête d’artiste ayant terminé sa prestation. « Le zoo », dit-il à un employé du Musée qu’il croise.
Une heure m’a suffi pour tout voir et revoir. Il manque là de nombreux aspects du travail d’Andy Warhol, notamment les portraits de personnes connues, ou inconnues mais riches, qu’il faisait dans les années quatre-vingt afin de faire face aux besoins financiers de sa ruche. En revanche, à la sortie, on peut se faire tirer le portrait « à la manière de » moyennant argent glissé dans une fente. Un certain nombre de quidams s’y laissent prendre.