Fini de traîner au Rêve de l’Escalier

14 janvier 2022


Mardi dernier, lorsque j’arrive à la bouquinerie Le Rêve de l’Escalier avec quelques livres à vendre, j’ai la mauvaise surprise d’y trouver un homme sans masque en discussion avec le libraire masqué sous le nez. Ce dernier remonte le sien comme il le fait à chaque fois que j’entre dans sa boutique. Le sans-gêne cache sa bouche et son nez avec son écharpe.
-Ce monsieur n’a pas de masque, fais-je remarquer.
-Si, il en a un, me répond le maître des lieux.
Effectivement, ledit en sort un du fond de sa poche et l’enfile. Je montre mes six livres. Seuls deux sont retenus pour la modeste somme de trois euros. A ce moment entre un pachyderme dont le masque est sous le nez sans qu’il lui soit fait de remarque par celui qui est responsable de l’application du protocole sanitaire dans son commerce. Je file sans demander mon reste (comme on dit).
Mercredi soir, en rentrant de Paris, je lis sur Effe Bé un texte du bouquiniste du Rêve qui vante sa boutique en ce jour de soldes. J’y vais de mon commentaire : « Si on ne risquait pas de trouver à l'intérieur un client le masque sous le nez ou même sans masque du tout, on aurait moins peur d'y aller plus souvent. »
J’obtiens comme réponse du concerné que le risque zéro n’existe pas et que c’est la seule bouquinerie rouennaise à disposer d’un double purificateur d’air.
 « Je sais, ce n'est sûrement pas suffisant. Je vais faire comme l'an dernier, attendre que les beaux jours reviennent et que la porte reste ouverte. »
Justifier le non-respect du port du masque dans sa boutique par la présence d’un purificateur d’air n’est pas très réglementaire. Le premier à prendre des risques, c’est pourtant le maître des lieux lui-même, cet endroit est tout petit, pas aéré, le système de chauffage brasse l’air et les microgouttelettes qu’il contient. Je ne m’y sens pas en sécurité.
Quand la porte restera ouverte, j’irai à nouveau y faire un tour. Pas pour tenter de vendre quoi que ce soit, j’y renonce, mais pour essayer de dépenser mon avoir, même si c’est compliqué, car des livres qui m’intéressent, on en trouve très rarement ici. De plus, depuis qu’a lieu la guerre du Covid, il règne un tel désordre que si un livre est pour moi, il a toutes les malchances de se trouver dans les piles qui encombrent les allées et je ne fouille pas.
                                                                        *
A Paris, dans les Book-Off, les seuls clients qui laissent glisser le masque sous le nez sont les hommes, il n’y a que des hommes, qui tentent de retrouver leur jeunesse parmi les vinyles. On est toujours des rebelles, nous autres.