Jour d’allégresse au Marché d’Aligre

10 novembre 2022


Ce mercredi de pleine lune, dès mon arrivée à Paris, je rejoins la Bastille en bus Vingt-Neuf puis marche jusqu’au Marché d’Aligre. Il est fort animé. Une marchande en a après son voisin, l’un des vendeurs de livres du lieu, pour une histoire de frontière entre leurs deux stands. Elle hurle qu’il ne la prend pas pour un être humain. « On est tous des animaux, lui répond-il, je suis un animal, tu es un animal, et tu devrais prendre tes médicaments. » Certains commencent à s’en mêler, envenimant les choses. Arrive alors un responsable du marché qui se charge de ramener le calme.
Pendant ce temps, je suis, avec pour concurrent celui que je nomme in petto le Nabot, pas vu depuis longtemps, sur le stand du principal vendeur de livres où c’est écrit « Déstockage massif », une formule que l’on trouve plutôt chez les marchands de tapis ou de matelas. Tous les livres sont à un euro. Et, allegria, j’y trouve de quoi me plaire. D’abord : Carnets viennois 1826 - 1829 de Léontine de Metternich chez Duculot. Puis trois publications du Mercure de France, dans sa collection Le Temps Retrouvé : Mémoires du Duc de Choiseul, Vieux souvenirs de Monseigneur le Prince de Joinville et Journal de l’abbé Mugnier, ce dernier que je ne puis m’empêcher d’acheter alors que j’en ai déjà plusieurs exemplaires. Il n’est que dix heures et je suis déjà lourdement chargé.
Après une pause café au comptoir du Faubourg, où les prix de la carte du midi ont explosé, je donne mon sac à garder au personnel du Book-Off voisin et en explore les rayonnages à un euro, ce que fait aussi le Nabot en traînant son énorme sac. Mon butin est mince: La belle vie, livre de souvenirs de John Dos Passos (L’Imaginaire Gallimard) et Musée de la chair de Su Na « un extraordinaire premier texte érotique » « d’une jeune romancière fraîchement débarquée de Chine » traduit de l’anglais en deux mille quatre par Romain Slocombe (Presses Universitaires de France).
A midi moins le quart, j’entre pour déjeuner au Péhemmu chinois où une nouvelle serveuse officie sous le prénom social de Marine (le patron c’est David et la patronne Chloé). Elle m’apprend que le confit de canard, c’est fini. La grippe aviaire, je suppose. Je fais donc suivre mon hareng pommes à l’huile d’un stèque à cheval frites maison. Avec le quart de côtes-du-rhône et le café, ça ne fait que dix-huit euros quarante.
Par le métro Huit, je rejoins le Book-Off de Quatre-Septembre et n’y trouve à un euro que le Bréviaire du cynique de Pierre Merle, un recueil de citations « de Diogène à Pierre Desproges » paru à l’Archipel. Après cela, comme il fait doux et presque beau, je m’offre une pause au soleil sur un banc près du Bistrot d’Edmond puis vais m’y asseoir en terrasse pour lire Mes poisons de Sainte-Beuve, après un café verre d’eau à deux euros cinquante. Bien sûr, au bout d’une heure, un « Je vous sers autre chose ? » « Non merci. »
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David à qui je demande pourquoi sa serveuse habituelle n’est plus là : « C’est le bébé. La mamie elle avait dit, je le garde. Puis la mamie elle a dit, j’ai mal au dos. Pas de place à la crèche, alors elle le garde. »
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Un livre érotique édité par les Presses Universitaires de France, on n’est pas prêt de revoir ça. D’ailleurs quel éditeur aujourd’hui publie des textes érotiques de ce genre (la narratrice a dix-sept ans) ? Pas même La Musardine.
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Un livre écrit en chinois traduit de l’anglais, ça c’est courant. Je me demande ce qu’il reste du texte original.
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Mes poisons de Sainte-Beuve, un livre dont Léautaud dans son Journal littéraire fait grand cas. Ma lecture terminée, mon constat est le suivant : rien à en retenir.