L’hiver à l’intérieur des cafés rouennais

17 décembre 2014


-Qu’est-ce qu’il vous faut ?
-Je vais vous prendre une bière de Noël.
Ainsi se parlent serveurs et clients des bars que je dois, faute de mieux qui n’existe pas à Rouen, fréquenter l’hiver. Non pas « Qu’est-ce que vous voulez boire ? » ou « Qu’est-ce que vous désirez ? » avec pour réponse « Je vais prendre une bière de Noël. ». Ces « il vous faut » et « je vais vous prendre » sont un témoignage de la violence larvée qui règne entre les êtres humains dans ces années dix.
Une variante existe cependant lorsque le serveur à affaire à une jolie fille, le libidineux :
-Qu’est-ce qui vous ferait plaisir, mademoiselle ?
Les conversations des tables voisines de la mienne ne sont pas de nature à me consoler de ces échanges commerciaux.
Ainsi cette bonne catholique au Clos Saint-Marc :
-J’en suis arrivée à un stade où je mets Dieu tout en haut et l’être humain tout en bas. J’en ai rien à foutre de l’être humain.
Au même endroit, deux types :
-Six gosses, je te dis, elle a eu six gosses.
-Tu dois plus rien sentir quand tu mets ton machin dedans.
Et dans le même genre, un autre, au Socrate :
-Il n’a pas un rond, il a mis tout son héritage dans sa bagnole, c’est le seul à avoir une Maserati à Rouen. Le samedi, il la gare devant les boîtes de nuit et il chope de la morue.
                                                           *
Aveu d’impuissance commerciale, une nouvelle fois la rue Saint-Romain est sonorisée pour Noël, musique dégoulinante vaguement américaine.
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Je me souviens qu’aux dernières municipales j’aurais bien voté pour l’écolo Eric Piolle si j’avais habité Grenoble. Je le regretterais, l’éventuelle suppression de toute subvention aux Musiciens du Louvre dirigés par Marc Minkowski en résidence dans sa ville m’ayant appris que son conseil municipal n’a pas d’adjointe à la culture mais une adjointe aux cultures. Affligeant pluriel.