L’île des esclaves de Marivaux par la Compagnie Akté au Théâtre des Deux Rives

13 mars 2017


Longtemps que j’ai mon billet pour la représentation de ce samedi dix-huit heures au Théâtre des Deux Rives de L’île des esclaves de Pierre Carlet Chamblain de Marivaux par la Compagnie Akté. Je remonte la rue Louis-Ricard suffisamment en avance pour être sûr de pouvoir m’asseoir à ma place préférée. Pas moins de trois vigiles sont de garde à l’entrée. Une fois franchi l’obstacle,  je n’ai plus qu’à attendre.
Un groupe d’aveugles, certains avec chien, d’autres sans, passe prioritairement afin de se faire équiper du matériel nécessaire à une audiodescription. Quand nous autres, voyant(e)s, les rejoignons, je n’ai aucun mal à m’asseoir où je voulais. Sur scène est un duo jouant de la musique planante devant les écrans de contrôle du théâtre. L’un de ces écrans montre l’entrée. Nous voyons ainsi entrer les ultimes spectatrices et spectateurs. Les vigiles ne sont plus en poste quand se présente un jeune homme à gros sac. A peine ai-je le temps de m’inquiéter que je comprends qu’il s’agit d’un des personnages de la pièce, Arlequin, bientôt poursuivi dans la salle par son maître Iphicrate. A la suite d’un naufrage, ces deux-là sont arrivés sur l’île des esclaves où ils vont devoir, à la demande de Trivelin, magistrat du lieu (ici joué par un comédien et une comédienne) et en guise de bonne leçon, échanger leur fonction, Il en est de même pour la servante Cléanthis et sa maîtresse Euphrosine. Après une tentative ratée des inversé(e)s du bas (esclaves devenus maître et maîtresse) pour séduire amoureusement les inversé(e)s de l’autre sexe du haut (une chanson de variété du vingtième siècle est appelée à la rescousse) et après excuses des dominant(e)s et pardon des dominé(e)s, chacun(e) retrouve son rôle social, ce qui convient bien à Arlequin et moins à Cléanthis.
Arlequin, c’est le talentueux Nadir Louabib, et Cléanthis, la talentueuse Manon Thorel, deux très bonnes découvertes. J’aime aussi la mise en scène d’Anne-Sophie Pauchet et son recours pertinent aux images des caméras de surveillance, ainsi que l’habillage musical écrit et interprété par le duo Maxime Liberge et Juliette Richards. Cette dernière manie fort bien la guitare électrique. Son interprétation finale du Just a Perfect Day de Lou Reed me donne envie de la voir dans l’une des formations où elle joue et chante, The Tinun’s, Golden Gloss and the Cannon, 13th Procession et The Family Three, des groupes du Havre peut-être parfois invités à Rouen.
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Deux commerçants du marché, dimanche matin, au café Le Clos Saint-Marc. L’un à l’autre :
-J’suis emmerdé pour aller voter. Je trouve personne pour la procuration. J’suis dans un tout p’tit village. J’y connais qu’un gars, que je fais travailler de temps en temps, mais c’est un gauchiste de première. J’vais pas lui dire pour qui je vote. Et puis, il le f’rait pas.