Le jour où Virginia Woolf vint à Rouen

8 juin 2017


Il est des livres que j’achète et ne lis pas. Ainsi le Journal d’adolescence (1897-1909) de Virginia Woolf publié au Nouveau Cabinet Cosmopolite chez Stock qu’après avoir parcouru j’ai trouvé sans grand intérêt et mis en vente. Avant de l’expédier, je le feuillette encore une fois et tombe sur ceci, qui m’était passé inaperçu, écrit le premier avril mil neuf cent cinq:
Avons pris le petit-déjeuner juste avant 7 heures & attrapé le train pour Rouen. Sont venus avec nous –ou plutôt nous avec eux– les Lloyd & Mr. Booth, & nous sommes arrivés à Rouen à 9 heures, je crois. Avons visité 3  grandes églises, vu un enterrement & un cimetière. La chose sans doute la plus émouvante, sentimentalement, de cette ville, c’est ce petit coin –du marché à la viande ! – où Jeanne d’Arc a été brûlée. Tous les endroits témoins de ses souffrances sont signalés & évoqués ; mais les statues la figurant sont parfaitement inintéressantes & insignifiantes. Avons déjeuné là & sommes rentrés à 5 heures  & demie. Beaucoup de gens nouveaux ont embarqué ; nous repartons demain matin, ce dont je me réjouis. Voyager me rend impatiente. J’ai envie de voir ce qui va suivre.
Virginia a vingt-trois ans. Cette grande adolescente voyage à bord de l’Anselm, parti de Liverpool: C’est un bateau de luxe très propre & tout blanc ; chacun dispose d’une cabine personnelle où je suis en train d’écrire sur mes genoux, tandis que la mer commence à s’agiter.
Après l’escale du Havre et son escapade rouennaise, elle vogua jusqu’à Porto, prit le train pour Lisbonne puis Séville et Grenade, retourna à Lisbonne et rentra directement à Liverpool, lis-je en diagonale avant de faire de ce livre un petit colis.