Lecture de train : La défeuillée d’Henri Thomas

8 août 2021


Qu’ai-je retenu de ma lecture ferroviaire de La défeuillée d’Henri Thomas que publia Le temps qu’il fait en mil neuf cent quatre-vingt-quatorze, un an après sa mort, un carnet dont les notes furent écrites suite à la mort de sa femme Jacqueline en mil neuf cent soixante-cinq ?
Ceci :
Les trous de ciel clair au-dessus des rues étroites, rue Quincampoix, rue La Reynie, rue Saint-Martin, les filles dans l’escalier au fond des couloirs. Il vaut mieux roder là, comme un animal, muet, paniqué, que rejoindre une maitresse complaisante – mais mieux vaudrait encore tout autre chose, je sais.
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Le pauvre type qui est en moi s’est imposé hier après-midi. Rencontre d’une maigre fille près de la gare Montparnasse. Elle m’a coûté cher, c’est l’idiotie de ma vie. « Qui se répète » est inutile.
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Madame Boudemont est propriétaire des ruines de Mortemer, et c’est là qu’elle vit, quelque part dans une grande demeure aux nombreuses fenêtres toutes pareilles, sans rideau. On dirait que toute cette ancienne maison est déserte, abandonnée d’hier, où pas une vitre ne manque, si le vieux qui habite là aussi ne renseignait pas les visiteurs des RUINES (l’écriteau sur l’enclos du domaine).
Nous y sommes allés avec Georges Auclair, Louise Herlin qui conduisait. La route forestière tourne devant le monument à la Résistance, qui ne tardera pas à intriguer les promeneurs de la forêt de Lyons.
Après avoir quitté le vieux, sur la même pelouse où il était venu au-devant de nous, – nous sommes tombés d’accord que cet homme était fou – en proie, disait Georges Auclair en son langage de chercheur au CNRS, à un « délire excrémentiel ».
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L’individu, c’est l’enfer de la personne, qui s’y trouve le plus souvent perdue.
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Il ne suffit pas d’être honnête envers les gens pour qu’ils ne vous veuillent pas du mal, il faut penser comme eux.
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Il faut être seul pour savoir qu’on fait comme les autres. Seul signifie toujours : comme les autres, et pas content.
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Mortemer, un endroit que je ne voyais qu’à travers les grilles l’année des seventies où je vivais à Lyons-la-Forêt. L’entrée était payante. Les propriétaires s’efforçaient de rentabiliser les ruines avec un petit train promène-touristes, des soirées à fantômes, des salons du mariage, etc.