Lourdement chargé dans l’étuve parisienne

13 août 2015


-Quinze euros dix, m’annonce ce mercredi matin la caissière de la maison de la presse de la gare de Rouen à qui j’ai demandé un carnet de tickets de métro parisien.
-Ça a augmenté ?
-C’est un euro de plus qu’à Paris.
Je lui dis que ce n’était pas le cas avant. Elle m’assure du contraire. Je lui laisse son carnet de tickets, certain qu’elle ne dit pas la vérité, j’achetais toujours ici car on y accepte la carte bancaire pour moins de quinze euros, contrairement aux tabacs parisiens. Un euro pour sortir un carnet d’un tiroir et le poser sur le comptoir, cette commerçante représente bien sa profession.
-A partir de combien je peux faire une carte ? entends-je deux heures plus tard chez Book-Off .
-Un euro, répond-on à ce quidam qui lorsqu’il passe à la pompe pour sa voiture doit dire qu’il fait de l’essence.
Jamais je n’ai été tant chargé que lorsque je quitte la boutique sous la chaleur montante, gardant toutefois une main libre en prévision des achats que je ferai dans l’autre en fin d’après-midi.
Je déjeune encore une fois Chez Céleste, en terrasse à l’une des places protégées du soleil par l’auvent, apercevant pour la première fois celle qui donne son nom à ce restaurant, dame d’un certain âge venue du Cap Vert : salade au magret de canard, poulet churrasco, quart de vin portugais. Près de moi s’installe un jeune couple de touristes français, elle à l’ombre, lui destiné à prendre un coup du soleil.
-Qu’est-ce vous voulez boire ? leur demande la serveuse en posant une bouteille d’eau fraîche sur la table.
C’est évidemment la fille qui répond :
-Nan, de l’eau, ça ira comme ça. Tu voulais aut’chose, toi ?
Le garçon ne bronche pas. Il la regarde chercher à l’aide de son téléphone comment employer l’après-midi.
-On peut faire la Tour Eiffel, lui apprend-elle. Ah, il y a aussi ça : « Insolite : les vieilles rues de Paris ».
Je passe le mien une nouvelle fois chez Pompidou profitant de deux avantages : me délester au vestiaire du poids que je trimballe et me balader dans les salles fraîches en regardant des belles œuvres et des jolies filles. Gérard Deschamps est-il le pluriel de Marcel Duchamp ? question que je me pose devant son assemblage de corsets roses dont l’un ensanglanté intitulé Les chiffons de La Châtre.
-Rien ne nous sera épargné, annonce une employée de l’endroit à une autre.
-Keski s’passe ?
-Y en a un qu’a renversé sa bouteille d’eau.
Vers dix-huit heures, n’ayant plus une main libre, après qu’une fille dans le métro m’a proposé sa place assise bien qu’elle soit avec son copain (refusée bien sûr), la pharmacie voisine annonçant trente-deux degrés cinq, je me pose à l’intérieur de L’Atlantique et commande une coupe de glace. Pas de rhum raisin, ni de caramel, rien que les parfums de base, me dit le garçon à tête de garçon. Je me rabats sur menthe, vanille et pistache.
L’avantage de ce café, c’est de n’avoir que la rue à traverser pour être dans la gare, ce qui est bienvenu quand on est surchargé de livres et qu’il se met à choir de grosses gouttes de pluie.
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Parmi les livres rapportés : Les livres de ma vie d’Henry Miller (L’Etrangère/Gallimard), les Mémoires de Canler, ancien Chef de la Sûreté (Le Temps Retrouvé/Mercure de France), Satie par Anne Rey (Le Seuil), Fille de la campagne, les mémoires d’Edna O’Brien (Sabine Wespieser) et la Correspondance entre Marina Tsvetaïeva et Rainer Maria Rilke (Rivages Poche).
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Ils font une carte
Ils font de l’essence
Ils font la Tour Eiffel
Ils font pitié.