Loveless par la Compagnie Le Chat Foin au Théâtre de la Chapelle Saint-Louis

22 novembre 2016


Pièce tirée d’Une vie de putain de Claude Jaget (six témoignages sur la prostitution recueillis lors de l’occupation de l’Eglise Saint-Nizier à Lyon en mil neuf cent soixante-quinze) par Anne Buffet et Yann Dacosta, Loveless est donnée une dernière fois ce samedi en fin d’après-midi à la Chapelle Saint-Louis.
Après avoir ouvert ma veste à la demande des deux vigiles, je trouve place au chaud dans le hall d’entrée en compagnie d’arrivés encore plus tôt que moi, dont deux demoiselles. L’une est contente d’elle : « J’arrive à me faire accepter dans les cercles bourgeois, ma meilleure pote habite dans le Seizième. » Yann Dacosta passe par-là et me dit que son inquiétude est de savoir si on pourra caser celles et ceux qui sont en liste d’attente.
Chacun(e) entre en prenant soin de ne pas marcher, au devant de la scène, sur une guirlande électrique verte que protége un employé du lieu muni d’une lampe torche. Quand on est assis, on ne la voit pas mais elle a peut-être une utilité particulière.
Ayant assisté l’an dernier à une première présentation de cette pièce lorsqu’elle était en cours d’élaboration, je sais ce que je vais voir et entendre. Peu de choses ont changé depuis cette étape. Cinq filles au physique très différent et un garçon jouant le sixième rôle féminin sont face au public et narrent leur parcours personnel. Ces confessions sont entrecoupées d’archives télé ou radio relatant l’occupation de l’édifice religieux (il s’agissait pour ces femmes de dénoncer les violences policières dont elles étaient victimes) ainsi que de points de vue sur le sexe et l’amour dont celui, bienvenu, de Ruwen Ogien. Deux chorégraphies donnent à voir l’épuisement des corps. Pour le reste, je ne vais pas répéter ce que j’écrivais le vingt-huit mars deux mille quinze.
Les six comédien(ne)s du Chat Foin sont fort applaudis à la fin. Chacun(e) est talentueux. Évidemment, j’ai un petit faible pour Marie Petiot, ancienne élève du Cours Florent.
Une rencontre avec l’équipe a lieu ensuite mais je préfère m’en dispenser.
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Jouer une occupation d’église dans une ancienne église facilite la vie du décorateur.
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Ma faculté de dispersion me conduit à repérer les anachronismes. Cette valise rouge à deux roulettes (qui tombait toujours quand on tournait) n’existait pas dans les années soixante-dix. Et ces parenthèses faites avec les doigts par l’une des comédiennes autour du mot « normal », impossible itou. Ce tic gestuel est récent. Il serait temps qu’il disparaisse.
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Entre la présentation de mars deux mille quinze et celle d’aujourd’hui, la loi faisant des clients de prostituées des délinquants (mais autorisant le racolage passif) a été définitivement votée par quelques Parlementaires de Droite (dont la moderne Nathalie Kosciusko-Morizet), la plupart des Socialistes, un quart des Ecologistes et la totalité des Communistes. Je leur souhaite de ne pas être réélus.
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Une loi contre les clients de la prostitution de rue votée par les clients de la prostitution de luxe, comme le remarquait l’une des animatrices du Strass (Syndicat du Travail Sexuel), visant la grosse partie masculine de l’Assemblée Nationale.
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Avant cette loi, Paris Normandie racontait chaque arrestation de prostituée pour racolage sur la voie publique rouennaise, le client étant emmené avec elle mais seulement pour recueillir son témoignage.
Maintenant qu’elle y a droit, la prostituée racole tranquillement, comme un bonbon que l’on aurait tort de convoiter, mais Paris Normandie ne parle jamais d’arrestation de client piégé.
Dans d’autres provinces, les journaux locaux racontent comment des clients pris sur le fait sont condamnés à de fortes amendes et, pour certains, doivent subir un stage de remise dans le droit chemin.
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S’il se trouvait pour tout homme une femme prête à faire l’amour avec lui, la prostitution n’aurait pas lieu d’être. Chacun en vieillissant peut constater qu’il n’en est rien.