Pot de départ à la retraite dans une école rouennaise de la rive gauche

2 juillet 2018


Vendredi vers dix-sept heures sous le fort soleil je franchis la Seine, remonte la rue Saint-Sever puis continue tout droit pendant un bon moment. Comme je suis en avance, et assoiffé, je trouve une place à la terrasse de trottoir de La Civette. J’y commande un diabolo menthe et me renseigne sur l’endroit exact de l’école où m’appelle le départ à la retraite de celle qui était directrice de l’école maternelle où se déroulèrent mes dernières années d’instituteur et qui est depuis une dizaine d’années adjointe en élémentaire sur la même rive. Dans une semaine elle aura cessé le travail, à un âge plus avancé que le mien d’alors.
A dix-huit heures, je franchis la porte de cette école primaire que je ne connais pas et y retrouve avec plaisir l’héroïne du jour entourée d’élèves et d’ancien(ne)s élèves, de leurs parents, de collègues d’aujourd’hui et d’hier, de son fiston et de l’amie d’icelui. Quelques personnes sont de ma connaissance, ainsi l’une de mes anciennes élèves qui entre en terminale scientifique et vise à devenir ingénieure.
Bientôt arrive une de nos collègues de la maternelle d’autrefois.
-Cela fait douze ans que je n’avais pas remis le pied dans une école, leur dis-je.
J’ajoute que c’est sans doute la dernière fois. La nouvelle arrivée proteste, elle doit prendre sa retraite dans deux ans, et tu seras invité me dit-elle.
En attendant, celle qui la prend cette année grimpe sur un banc et annonce qu’on attend sa sœur et sa mère, parties un peu tard d’Honfleur, et elle nous invite à nous rafraîchir. Il y a des boissons diverses, dont l’une pour les adultes qui ne boivent pas que de l’eau, et des brochettes de fruits frais confectionnées par ses élèves qui, précise-t-elle, se sont lavés les mains.
Lorsque les deux invitées attendues sont là, c’est le moment du discours du directeur de l’école. Il retrace le parcours de celle qui s’en va. J’apprends ainsi que lorsqu’elle avait vingt ans, au tout début de sa carrière (comme on dit) dans un village proche de Rouen, elle avait abonné sa classe à Grodada, la revue pour enfants du Professeur Choron (« on ne pourrait plus faire ça maintenant », dit-elle) et que celle-ci ayant gagné un concours de bandes dessinées proposé par ce mensuel, elle avait eu la surprise de voir arriver le camion du Professeur Choron chargé de jeux électroniques destinés à chaque enfant. Par la suite, elle fut l’une des responsables nationales, et même pendant deux ans la Présidente, de l’Icem (Institut Coopératif de l’Ecole Moderne) qui promeut ce qu’on appelle la Pédagogie Freinet.
Un chœur des collègues et anciens collègues, dans lequel je me fais discret, interprète une chanson de circonstance sur l’air du Chant des Partisans puis une vidéo réalisée à l’insu de la quasi retraitée par l’un des enseignants de sa dernière école, avec la participation des différentes classes, est ensuite projetée sur un écran bricolé fixé au mur avec des bouts d’adhésif (l’école publique manque de moyens). Le son est diffusé par les deux petites enceintes d’un ordinateur portatif. On entend donc peu, mais c’est sympathique, frais et drôle.
Arrivent ensuite les cadeaux farfelus que l’on offre dans ce genre de circonstance. Ils sont accompagnés d’une enveloppe de participation financière à un voyage futur vers une lointaine contrée.
L’héroïne du jour, émue, remercie et conclut son intervention par une version personnelle de Ma plus belle histoire d’amour c’est vous à destination de ses élèves.
On peut aller se resservir en jus d’orange amélioré. Nous colloquons un moment, assis en triangle, nous les deux anciens adjoints de l’école maternelle Marcel Cartier avec notre ancienne directrice et promettons de nous revoir.
Au retour, lorsque je croise la ligne de métro, je regarde dans combien de temps arrive le prochain : quatorze minutes. Je continue donc à pied. Il n’y a pas mieux que les transports en commun rouennais pour vous obliger à faire de l’exercice physique.