Redécouverte de la Poste de la rue de la Jeanne

12 mai 2020


Quel vent pour ce premier jour de déconfinerie ! S’engouffrant bruyamment dans le pansement de plastique blanc de la flèche de la Cathédrale, il nuit à mon sommeil et joue avec mes nerfs.
Au réveil, pour ce qui est d’assurer ma subsistance, je ne change pas mes habitudes. Sept heures trente-cinq à la boulangerie où la patronne est désormais munie d’une visière en plexiglas. Huit heures trente-cinq, chez U Express où je dois prendre en compte la présence d’un jeune obèse qui occupe une allée à lui tout seul chargeant son panier de plats cuisinés bien gras.
Rentré, je poursuis la réécoute de ma cédéthèque francophone, à la lettre Effe, comme Ferré pour un long moment. J’en suis aux années soixante à soixante-deux, époque riche en chefs-d’œuvre qu’à dix ans j’entendais à la radio: Paname, Les poètes, Merde à Vauban, Si tu t’en vas, Quand c’est fini, ça recommence, Jolie môme, Comme à Ostende, etc. Je complète avec son enregistrement public en mil neuf cent soixante et un à l’Alhambra.
Vers dix heures et demie, dans un vent à faire voler les postillons bien au-delà d’un mètre, j’innove en portant un Colissimo à la Poste de la rue de la Jeanne, croisant rue des Carmes et rue aux Juifs des sans masques et des avec masques. Certaines en portent un insuffisant fait à la maison, simple rectangle qui ne couvre que la bouche tel un bâillon. Deux l’ont autour du poignet à la façon d’un bracelet. Certains en ont un dit chirurgical mais ne le mettent que sur la bouche, des vieux surtout. Ayant vu un dessin comparant ceux qui le portent ainsi à qui porte son slip en laissant dépasser la queue, je ne peux m’empêcher d’en voir une à la place de leur nez.
Moi qui n’en porte pas (de masque), je me demande si on va me laisser entrer à la Poste. Un vigile filtre et me laisse passer. C’est avec la guichetière, derrière sa plaque de plexiglas, que j’ai un problème. Elle estime peu mon emballage en papier. J’ai toujours fait comme ça, lui dis-je d’un ton qui n’admet pas la discussion. Je vais ensuite me procurer des vignettes d’affranchissement auprès d’un automate qui ne trouve rien à redire.
Après cette folle sortie, je rentre par la rue du Gros. Peu de boutiques sont ouvertes ce lundi matin. Quelques restaurants des rues adjacentes vont tenter le plat à emporter. Des Policiers dans des voitures arrêtées surveillent les déconfinés.
Le vent toujours énervant ne m’empêche pas de lire Pepys au soleil du jardin sur le banc protégé de son souffle. Par l’oreille, j’apprends le retour du balayeur de la ruelle. Le verre cassé, au bout de cinquante-six jours, est enfin ramassé.
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Masques partout à Paris. Vendus dans les boutiques. Distribués gratuitement à l’entrée des métros. Masques nulle part à Rouen.
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Quand même, Yvon Robert, le toujours Maire de Rouen et toujours Chef de la Métropole, va m’en envoyer un par la Poste, à titre de personne vulnérable inscrite sur la liste électorale. Il s’en enverra aussi un à lui-même.