Revoir Paris (deux)

6 août 2021


Descendant le boulevard Saint-Michel en direction de la Seine, je passe sans y prendre garde devant l’endroit où se tenait le Boulinier historique, disparu depuis mon dernier passage. Je ne sais donc pas par quoi il a été remplacé. En revanche, arrivé à la fontaine, je fais face à l’autre catastrophe culturelle. Gibert Jeune a été transformé moitié en café, Le Départ Saint-Michel (nom ridicule), moitié en énième Séphora.
Arrivé sur l’autre rive, je traverse le square Saint-Jacques en diagonale et arrive à l’ancien Gai Rossignol devenu le troisième Book-Off. Une librairie d’occasion qui remplace une librairie d’occasion, voilà le monde tel qu’il doit être. Depuis mon dernier passage l’endroit a changé. Le sous-sol a été entièrement refait. L’odeur de vieux bouquin a disparu, remplacée par celle du neuf.
Dans ce sous-sol est installée la littérature (au sens large). Il y fait chaud. J’ai du mal à me concentrer sur le dos de chaque livre. Le masque n’arrange rien. Au bout du bout, je n’ai trouvé qu’un livre à un euro qui puisse me plaire, et encore je n’en suis pas sûr : le second tome de Lettres de Prosper Mérimée à Madame de Montijo publié au Mercure de France dans la collection Le Temps Retrouvé. Je l’achète, me doutant que je ne trouverai jamais le premier tome.
Débarrassé du masque, je poursuis rue Saint-Martin, découvrant près de l’église Saint-Merri Debout (Le Roi des Trous), une installation monumentale de Khaled Dawwa. Je photographie le dictateur ventru amolli dans son fauteuil puis frôle le Centre Pompidou dont je vois pour la première fois la nouvelle chenille. Quand l’emprunterai-je ? Peut-être jamais.
Me fiant à ma mémoire, je me dirige vers la Bastille. Là aussi les travaux sont terminés. Il est désormais possible de traverser la place pour rejoindre la rue du Faubourg-Saint-Antoine, un raccourci bienvenu qui fait passer au pied de la Colonne de Juillet.
Comme si je l’avais fait exprès, j’arrive au Péhemmu chinois à midi pile. Je me garde bien d’y entrer, m’asseyant à l’une des tables de trottoir. La gentille serveuse est toujours là, désolée que je n’aie pu venir depuis mars deux mille vingt. Elle me demande ce que je veux manger.
-Comme d’habitude.
-Filet de hareng pommes à l’huile, confit de canard pommes sautées salade et un quart de rouge, c’est bien ça ?