Saint-Brieuc (dix) : Carré Rosengart

11 septembre 2025


La descente le long du Gouët me mène une nouvelle fois au Port du Légué ce mercredi où je trouve le Pont Tournant ouvert et ne voulant plus se fermer. Avec l’espoir que ça tourne à nouveau, je lis le panneau posé là, consacré à Louis Guilloux, né et mort à Saint-Brieuc (je ne pense pas aller revoir sa maison) qui, est-il écrit, n’a pas obtenu la notoriété qu’il méritait ; en citation, de L’Herbe d’Oubli Au port, j’aurais passé ma vie…
« Il va falloir que vous fassiez le tour », me dit l’homme qui bidouille en vain dans le local attenant. Cela consiste à faire réellement le tour du Port jusqu’à atteindre le Pont de Pierre après être passé sous le Viaduc. Une trotte qui s’ajoute à la marche déjà faite.
Du Pont de Pierre, je reviens jusqu’au Fournil du Légué où, pour me remettre de l’effort, je me procure deux pains au chocolat. Les viennoiseries de cette boulangerie sont excellentes. Malheureusement, elle sera en vacances pour deux semaines à partir du quinze. Le bar Les Mouettes est bien ouvert. Même si le temps est meilleur qu’annoncé, je m’installe en terrasse abritée. Sitôt l’allongé bu, j’ouvre Balzac. Ne craignez rien pour moi. J’ai vu assez d’émeutes, et je ne me soucie pas d’aller dans les rues voir les batailles, je resterai chez moi. Ça s’assombrit à l’horizon. A dix heures, il se met à pleuvoir. Je poursuis donc la lecture. Près de moi s’installe un duo homme femme. Elle : « Pierre a trouvé une nouvelle poule. » Lui : « A chaque fois il se fait plumer. » Elle : « C’est marrant, parce qu’en affaire, il est assez doué. »
A l’accalmie, je me dirige vers le Pont Tournant. Il est réparé. Je le franchis pour aller au Café du Port où je prends un expresso. On y propose un plat du jour à quatorze euros quatre-vingt-dix mais « J’ai plus de place », me dit la tenancière. Tant pis pour elle. Je suis sûr qu’il y en a et qu’elle les garde pour ses habitués de dernière minute.
Je marche à nouveau jusqu’au Pont de Pierre près duquel est le Carré Rosengart, la partie réhabilitée de bâtiments industriels dans lesquels se trouvaient les usines Rosengart, où a été mis au point le moteur hors-bord, et Chaffoteaux & Maury, bien connue pour ses chaudières à gaz murales. On trouve là aujourd’hui des espaces partagés de travail, des salles de conférence et d’exposition, un restaurant, des magasins, etc. Le restaurant est Le Quai Gourmand, vaste établissement qui propose un plat du jour à seulement douze euros quatre-vingt-quinze. J’y réserve une table et, en attendant midi, m’assois sur un banc. Aucun des bateaux de plaisance ne bouge. Personne n’est à bord. C’est un port mort, une voie de garage.
« On ouvre dans dix minutes, monsieur », me disent les serveuses qui fument dehors quand je me pointe à midi moins cinq. Poulet noir breton rôtissoire avec frites, c’est le nom du plat du jour. J’ai une très belle vue sur le port, la chapelle de l’autre côté et une colline boisée derrière les maisons de pierre. Dans l’escalier sont inscrites les grandes dates de l’histoire du bâtiment, jusqu’à l’apothéose : « 2018, repas présidentiel avec E. Macron ».
Je ne regrette pas le Café du Port. Ce poulet noir breton est bon jusqu’au croupion, servi avec des frites mais aussi des petits légumes en ratatouille et une crème de patates douces. Le service est certes impersonnel mais efficace.
Je remonte ensuite jusqu’au Pont de Pierre pour revenir au Fournil du Légué où je me procure le dessert, une grande part de far à quatre euros vingt que l’aimable boulangère me coupe en quatre afin que je puisse le manger aisément chez Les Mouettes accompagné d’un expresso avant de retrouver Balzac puis de rentrer avec le bus de quinze heures.
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« Sept commerces placés en liquidation judiciaire dans l’agglo de St-Brieuc » (Le Télégramme)
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Allez hop, Lecornu Premier Ministre comme prévu (Bayrou lui avait piqué sa place).