Saint-Brieuc (dix-huit) : Rohannec’h

19 septembre 2025


Jour de grève, aucun train en Gare de Saint-Brieuc, très peu de monde à La Passerelle. Les bus ont l’air de circuler mais dans le doute, je fais de ce jeudi une journée pédestre en descendant encore une fois par la vallée du Gouët au Port du Légué, par l’autre rive cette fois.
Arrivé au Port, je prends la route à gauche et arrive à l’entrée du Parc Rohannec’h. Trois volées de marches puis un long chemin montant me conduisent à la Villa Rohannec’h de couleur rose dont j’aperçois d’abord l’arrière. Un banc est le bienvenu pour la regarder de face à loisir sous le ciel bleu car, après l’effort, je sue.
Cette villa, déjà vue autrefois, fut construite sur la colline de Rohannec’h à la fin du dix-neuvième siècle pour le Vicomte Alain Le Gualès de Mézauban, armateur et homme politique briochin, une demeure « italianisante » d’où il pouvait observer les navires de sa flotte. Le domaine de quatre hectares, où l’on trouve des cèdres de l’Atlas ou du Liban et de séquoias centenaires, possède un accès direct au Port du Légué (par où je suis entré) et, pour rejoindre le centre-ville, le Vicomte a fait créer ce qui est l’actuel boulevard Pasteur. Pour voir le port, il faut être dans les étages ou sur le toit de ce bâtiment. Il sera ouvert lors des Journées du Matrimoine et du Patrimoine. La perspective de la file d’attente à l’entrée me dissuade de profiter de cette occasion.
Le chemin est le même pour quitter le Parc à pied. Arrivé en bas, je prends le Pont Tournant et direction Les Mouettes. « Voilà, jeune homme, me dit le serveur en posant un allongé sur ma table, je vous ai vu arriver. »
C’est une journée à chaud soleil. « Ça fait vacances », remarque finement la retraitée de la table voisine. Son mari ne dit rien, c’est un mari. Je retrouve les chansons et poèmes de Paul-Louis Toulet :
Dans Arle, où sont les Aliscams,
Quand l’ombre est rouge, sous les roses,
Et clair le temps,
Prends garde à la douceur des choses,
Lorsque tu sens battre sans cause
Ton cœur trop lourd ;
Et que se taisent les colombes :
Parle tout bas, si c’est d’amour,
Au bord des tombes.                           
Peu à peu, le ciel devient gris. Les vacances sont finies. Nous sommes ici à Plérin-sur-Mer. Je traverse le Gouëdic par le Pont de Pierre et c’est Saint-Brieuc. La porte du Quai Gourmand est fermée à onze heures et demie, je ne peux réserver pour midi.
Je m’assois devant, sur un banc de bord de port, et découvre l’existence d’une passerelle électrifiée coulissante. Elle est mise en place à onze heures trente par les employés du Port. Elle permet de traverser sans faire le détour par le Pont de Pierre.
Au Quai Gourmand, le plat du jour est une brandade de morue. Je la fais précéder du buffet d’entrées dans lequel je me sers surtout en saumon gravelax. Cela fait dix-huit euros quatre-vingt-quinze.
Sorti de là, je passe de Saint-Brieuc à Plérin-sur-Mer par la passerelle, m’arrêtant sur celle-ci pour faire quelques photos du Port, et puis, à droite, jusqu’aux Mouettes pour un café verre d’eau Toulet.
Ecoute : au bruit noir des chansons
Satan flagelle tes sœurs nues ;
Viens, et dansons.
(…)
Vous souvient-il de l’auberge
Et combien j’y fus galant ?
Vous étiez en piqué blanc.
On eût dit la Sainte Vierge.
(…)
Cette fraîcheur du soir, qu’on dirait que tamise
Une émeraude, a fait se joindre tes genoux,
Et tu sembles moins nue ainsi. Mais, entre nous,
Ton mari te dirait : « Comme vous voilà mise. »
(…)
J’ai connu dans Séville, une enfant brune et tendre
Nous n’eûmes aucun mal, hélas ! à nous entendre.
Une constatation, la grève ne touche pas la ligne des bus D. Ils passent régulièrement. Ce n’est donc pas à pied que je remonte à mon logis Air Bibi, mais dans celui de quatorze heures.