Saint-Brieuc (dix-neuf) : Quintin, ruelles et venelles

20 septembre 2025


Un délicieux ciel rose au-dessus de la Gare, ce vendredi au lever du jour, alors que je me dirige vers la passerelle afin de prendre une nouvelle fois de l’autre côté, le car BreizhGo Deux Cent Cinq pour Quintin dont il me reste à faire le tour par le circuit « ruelles et venelles ». Presque quatre kilomètres, est-il indiqué sur mon plan. La fin me paraissant peu intéressante, j’ai déjà décidé que j’abrègerai.
C’est une journée ensoleillée. A l’arrivée à La Vallée, je contourne l’étang par le large sentier qui longe le Gouët. Sur l’autre rive de cet étang se dressent le Château et la Basilique qui se reflètent dans l’eau. Je prends un petit bout de route sur la droite et arrive à la cascade du Gouët au-dessus de laquelle se tient un mince calvaire. Je traverse cette route et descends sur la droite. Une passerelle enjambe le Gouët. Me voici ruelle du Gouët. J’entre à gauche dans le faubourg dit de « cure-bourse ». Autrefois s’y trouvaient de nombreux troquets, les soûlauds qui en sortaient se faisaient délester de l’argent qui leur restait par des voyous. Je passe par la venelle de la Berliche (rapport aux tisserands, un tissu de laine). Je remonte la ruelle du Presbytère, lequel a disparu, mais on y trouve la Chapelle Saint-Yves. J’entre dans l’étroite venelle Sonne-Sonne, autrefois prise par les enfants allant à l’école qui y faisaient claquer leurs sabots pour effrayer les démons et les spectres. J’arrive dans le Parc de Roz-Maria que je connais déjà. Je ne vais pas plus loin.
Le centre du bourg est là. A gauche, la Grande Rue où j’entre au P’tit Trou (comme toujours). Pas de marché ce jour, mais la même clientèle aux conversations oiseuses. Un homme établit la généalogie de la famille Duhamel des informations télévisées. Un autre raconte qu’il a envoyé à l’Onu sa thèse sur la dérive des continents.
J’ai besoin de m’aérer la tête. Dès que j’ai terminé d’écrire mon court circuit des ruelles et venelles de Quintin, je vais lire Toulet au bord de l’étang. J’en suis à Vers trouvés sur un mirliton :
Quand tu as bu, M…, sinistre lesbienne,
On dirait Waterloo, Waterloo, morne et pleine.
Onze heures sonnent à la Basilique avec un son de casserole. Est-ce pour cela que cette église ne sonne que les heures ? C’est un homme aujourd’hui qui court autour de l’étang, nettement moins intéressant que l’étudiante de l’autre jour. Parfois, un poisson saute et fait des ronds dans l’eau. Chez Toulet, j’arrive à Les Trois Impostures, recueil d’aphorismes paru de son vivant :
Le miracle de la charité, ce fut de la faire faire par les pauvres. Cela s’appelle : mutualité.
Direction le restaurant à buffet d’entrées La Vallée pour le déjeuner. Il fait chaud. Je choisis une table à l’ombre. Le plat du jour est joue de bœuf façon bourguignonne avec pommes vapeur. Mon dessert : une mousse au chocolat. Les ouvriers de la table d’à côté rêvent de propriété privée. « Quand t’as tout posé tes clôtures, t’es content. »
Pour lire encore un peu Toulet avant le car BreizhGo du retour, je choisis un banc de l’étang à l’ombre face au Château et à la Basilique. Ce vendredi est la journée la plus chaude depuis mon arrivée dans les Côtes d’Armor.
Rentré à Saint-Brieuc, je constate que la terrasse de la Passerelle est à l’ombre en ce début d’après-midi. Elle s’impose pour mon nouveau café Toulet :
Glissant étroitement sa chair hors d’un peu de linon qui la dérobait encore, elle serra son ami entre ses bras :
-Je sais bien, dit-elle, que vous avez couché avec maman ; mais tout de même je ne crois pas que je sois votre fille.
-Hélas, répondit-il, avec autant de sensibilité que de politesse.
                                                                               *
A Quintin, il est risqué d’emprunter la venelle de la Couaille par où passaient les séminaristes, une descente très raide, à tomber sur le cul, beaucoup en ont eu le coccyx endolori. Quant au chemin de la Haute Folie où des femmes faisaient folie de leur corps, aucune rencontre de ce type n’étant désormais envisageable, il est inutile d’y aller.