Saint-Brieuc (vingt et un) : Binic le dimanche (trois)

22 septembre 2025


Un beau soleil dominical en cette fin d’été, dont je ne peux commencer à sentir les rayons qu’à dix heures en descendant du car BreizhGo à Binic. Ça ne va pas durer : des orages sont à prévoir dans l’après-midi. Je zone autour du port et fais quelques photos. Malheureusement, à une heure aussi tardive, impossible de ne pas avoir dans le champ des quidams ou des quidames.
Dès onze heures, le ciel se couvre. Je passe à La Sentinelle où j’obtiens en réservation la dernière table disponible en salle. Par prudence, j’en réserve également une pour le dernier dimanche de septembre et apprends qu’ensuite La Sentinelle ne montera plus la garde pendant trois semaines pour cause de vacances.
Assis sur un banc du fond du port, près de la passerelle, sous un soleil un peu revenu, je regarde qui passe, dont beaucoup de chiens attachés à des humains. Deux pères à poussettes sont suivis par trois rejetons. Ils discutent sans s’en soucier. Le dernier, un enfançon traîne à l’arrière pas bien loin de l’eau. Des passantes commencent à s’en inquiéter. Quand ils s’en aperçoivent, l’un court : « Chloé ! ». Cette Chloé aurait pu finir comme celle de la chanson de Mylène Farmer. Un couple repeint la coque de son voilier. Voilà à quoi conduit la possession d’un bateau : travailler le dimanche quand tout autour, ça glandouille.
Au menu à dix-huit euros de La Sentinelle : cassolette bretonne gratinée, mijoté de joue de bœuf mironton et éclair pomme pâtissière. L’homme rubicond est là au comptoir, Dédé, devant son verre de vin blanc.
Il est douze heures trois quarts quand je ressors. C’est le début de la première drache. Vite la petite table ronde au coin à l’intérieur du Narval avant que d’autres s’y précipitent. Est-ce que les Notes d’art de Paul-Jean Toulet vont m’intéresser ? Hélas non. Les femmes d’à côté ont une conversation de femmes. « Elle allait pour se faire enlever les ovaires et le chirurgien lui a donné un coup de scalpel dans la vessie. » « Il faudrait savoir son nom. » « C’est pas parce qu’il en rate une qu’il rate la suivante. » Les Notes de littérature alors ? Pas davantage. J’en arrive à ses Journaux qui débutent par Lettres à moi-même. Bof, bof, bof. Puis vient un Journal de voyage. Là au moins, je lis. Rompu avec S… Elle couchait avec un de mes amis, et semblait sur le point avec un autre. Tout cela quoique je m’en doutasse, me laissait froid, mais tant que caché. Quand on sait les uns les autres qu’on le sait, il en résulte une situation cynique et presque honteuse dont je connais par expérience (Bordeaux) les inconvénients. écrivait-il le huit février mil huit cent quatre-vingt-neuf.
Pendant ce temps, les averses se succèdent. Bientôt, elles sont accompagnées de tonnerre. Je rejoins l’abri du car pendant une éclaircie. Le ciel est noir du côté de Paimpol. Côté Saint-Brieuc, ça tient encore. Je peux rentrer avant que ça tombe. Et quand ça tombe, ça y va.
                                                                    *
Ian Monk est mort ce dix-neuf septembre à l’âge de soixante-cinq ans. De lui, j’ai lu uniquement le recueil Plouk Town que j’avais grandement apprécié. En cette triste occasion, j’ai appris qu’en décembre deux mille quinze sa fille Emilie, âgée de dix-sept ans, s’est tuée en se défenestrant. Cela suite à un harcèlement scolaire de plusieurs années au Collège Privé Notre-Dame de la Paix à Lille. Aucun de ses anciens professeurs n’est venu à ses obsèques.