Saint-Brieuc (vingt-huit) : Binic le dimanche (quatre)

29 septembre 2025


« Nous pouvons vous proposer de venir déjeuner avec nous demain midi ou de prendre un café vers 14h. Nous sommes également disponibles lundi à 18h30 pour vous offrir un verre. », m’écrit ma logeuse hier après-midi. Je lui réponds que le dimanche pour moi c’est Binic mais que je serai ravi de prendre un verre avec elle et son mari lundi soir.
En ce dernier dimanche de septembre, avant de prendre le car BreizhGo de neuf heures trente, je fais une série de photos de la Gare de Saint-Brieuc et de sa passerelle.
Que des solitaires à bord de ce car au départ. Ils ne portent pas la joie de vivre sur le visage. Pas des touristes, assurément. Je n’en vois quasiment pas dans la Baie de Saint-Brieuc. Quand même, aux Champs montent un duo de filles à sac à dos et une femme avec son enfant. Après Pordic, une brouillasse se met à tomber.
J’ai la chance de trouver ma petite table ronde libre au Narval.. Derrière moi une tablée de huit bicyclistes en maillot jaune de Guingamp, moule bite et chaussures qui donnent une démarche de pingouin. Dès qu’il pleut, on préfère le bistrot au vélo.
Mon petit-déjeuner terminé, je fais une bonne balade au-dessus de la plage puis au long de celle-ci, un peu sous le parapluie, davantage sans.
A midi moins trois, j’entre à La Sentinelle où, je l’espère, m’attend la table réservée. On veut me donner la mauvaise table dans l’entrée. Une personne seule, pas d’ici, quand c’est complet, on essaie de la coller au mauvais endroit. Je proteste, indique la table que j’avais choisie et qui devait être notée. J’obtiens satisfaction. Dix minutes plus tard, madame Labrousse hérite de la table dont je n’ai pas voulu et me jette un regard noir.
C’est le dernier jour d’ouverture avant trois semaines de vacances. Le rubicond Dédé est au comptoir avec son verre de blanc. Il en demande un autre car trois semaines, ça va être long. Il ira ailleurs, j’en suis sûr. La très jolie serveuse n’est pas là mais il en est une autre qui me plaît à cause de son air espiègle. Au menu à dix-huit euros : gratiné de poireaux au chèvre, jambon braisé sauce porto champignons et sabayon aux agrumes.
Il y a un poil de ciel bleu quand je sors de La Sentinelle. Je prends le risque d’une table en terrasse au Narval pour le café. Celui-ci bu, j’ouvre Par les routes et lis ceci : De la branlette j’ai pensé, comme il m’arrivait souvent de penser de beaucoup de livres qui font du faux style. Exactement ce que je pense de son livre à Sylvain Prudhomme. Les épisodes sont de plus en plus invraisemblables. Dans le dernier, l’autostoppeur réunit dans une fête improvisée à Camarade, ceux et celles qui l’ont pris en stop. Une chose inimaginable. Qui irait rejoindre un autostoppeur en traversant la moitié de la France sur une simple invitation envoyée par mail. Ensuite il disparaît pour de bon. Pas de l’autofiction donc, comme je le croyais au début, mais de la fiction sans le moindre intérêt. Je me demande ce que font les livres de cet auteur dans la collection L’Arbalète de Gallimard, où l’on trouve de bons livres, que j’ai lus, signés Michèle Audin, Thomas Clerc, Jean Genet, Noël Herpe, Frédéric Pajak, Hervé Guibert. Allez, hop, retour à la boîte à livres de Binic pour ce roman. Je remets aussi Un été avec Colette d’Antoine Compagnon après avoir noté ceci, tiré de Mes Apprentissages :
Elles sont nombreuses, les filles à peine nubiles qui rêvent d’être le spectacle, le jouet, le chef-d’œuvre libertin d’un homme mûr. C’est une laide envie qu’elles expient en la contentant, une envie qui va de pair avec les névroses de la puberté, l’habitude de grignoter la craie et le charbon, de boire l’eau dentifrice, de lire des livres sales et de s’enfoncer des épingles dans la paume des mains.
                                                                            *
A Binic, au-dessus de la plage, une bite turgescente sert de point de repère aux gens de la mer. L’autre jour dans le car, un trio de branlotins :
On va à Binic
La ville où on nique
(les Alfred Jarry d’aujourd’hui)