A défaut de voir Gwin Zegal, le petit port avec mouillage sur pieux de bois de Plouha, vaste commune aux plus hautes falaises de Bretagne, et sa plage Bonaparte, haut lieu de la Résistance où s’illustra le grand-père de Jane Birkin, je compte ce mercredi voir le centre du bourg.
Pour ce faire, j’attends une nouvelle fois le car BreizhGo Deux Cent Un terminus Paimpol de neuf heures onze au Quay des Brunes où l’habitué en chef est remonté. « Je te dirai ça quand tu me montreras tes fesses », dit-il à Lisa la serveuse. « Il y a d’autres sujets de conversation que le sexe, surtout quand on fait plus grand-chose », lui répond-elle. « Il va falloir lui trouver une chèvre », ajoute-t-elle pour les autres habitués.
Nous sommes quatre dans le car et descendons tous à Plouha La Poste. Le marché hebdomadaire est ce qui amène les trois autres, des femmes. Je n’ai pas relu ce que j’écrivais il y a deux ans sur ce bourg, volontairement, pour avoir le plaisir d’une nouvelle découverte.
Assez vite l’endroit m’est familier, blotti comme il est autour de la grosse église. J’entre dans celle-ci. Une messe est en cours pour une vingtaine de présents à cheveux blancs, dite par un prêtre à la peau noire. Je ressors et découvre (redécouvre) Au Rest’O dans la rue derrière. Un restaurant à menu ouvrier où j’avais déjeuné. Hélas, il est fermé définitivement. La propriétaire est là, vendant la vaisselle. Elle m’indique une crêperie et une pizzeria.
Le tour du marché fait, j’achète un pain au chocolat au miel du pays (un euro trente) au Fournil de la Poste et trouve une table à La Civette, le café le plus fréquenté du pays, où les locaux papotent après les courses. « On va avoir la tempête ». Je lis là Marguerite Yourcenar. Elle parle d’elle au masculin. L’historien-poète et le romancier que j’ai essayé d’être…
Je fais un second tour de bourg, entrant une nouvelle fois dans l’église. Elle ne révèle que sa tristesse. Dans un coin, le prêtre confesse une paroissienne à déambulateur qui ne peut plus entrer dans le confessionnal.
Le soleil me permet d’attendre midi sur un banc près du marché. Je me souviens qu’un décès venait de frapper la poissonnerie il y a deux ans. Elle fonctionne à plein. Il faut être doté d’une solide patience pour faire ses courses à Plouha le mercredi.
Je déjeune d’un hachis Parmentier maison à treize euros à la pizzeria La Mensa et d’une carafe d’eau. La patronne tutoie toute la clientèle, c’est-à-dire moi-même. La fleuriste d’à côté passe la tête par une vitre qu’elle fait glisser de l’extérieur. « Ça va ? Ça bosse ? » lui demande la restauratrice. « Non ». Je reste seul avec mon hachis. Deux jeunes viennent chercher des pizzas commandées. C’est tout. Je paie sans demander un dessert. Je le prends au Fournil de la Poste, un far breton à deux euros soixante et le mange sur un banc au soleil en regardant le marché se défaire. « Allez ! Il n’est pas trop tard pour un bouquet de fleurs, messieurs dames, mariage, deuil », crie l’un. Chez son voisin, le mari reproche à sa femme de mal ranger. Elle se rebiffe « Et comment on fait quand t’es pas là ? »
Le car du retour est à treize heures trente-quatre. J’en descends à deux pas du Quay des Brunes, peu de vent, du soleil, un café et Marguerite. Je ne suis pas Breton mais je sens bien quand le temps d’ici va se dégrader. Cela me permet de rentrer juste avant la pluie, laquelle doit être suivie de la tempête Benjamin.
*
Dans la boîte à livres de Plouha, le Dix Dix-Huit du Colloque de Cerisy consacré à Duchamp. Il a été lu, du moins en partie. En témoignent dans le premier tiers du livre, deux marque-pages (un ticket d’autobus du Service de Transport de l’Agglomération Rennaise et un emballage de sucre), quelques pages cornées et en haut d’une, cette annotation à l’encre : « hystérique ou sensuelle ».
Pour ce faire, j’attends une nouvelle fois le car BreizhGo Deux Cent Un terminus Paimpol de neuf heures onze au Quay des Brunes où l’habitué en chef est remonté. « Je te dirai ça quand tu me montreras tes fesses », dit-il à Lisa la serveuse. « Il y a d’autres sujets de conversation que le sexe, surtout quand on fait plus grand-chose », lui répond-elle. « Il va falloir lui trouver une chèvre », ajoute-t-elle pour les autres habitués.
Nous sommes quatre dans le car et descendons tous à Plouha La Poste. Le marché hebdomadaire est ce qui amène les trois autres, des femmes. Je n’ai pas relu ce que j’écrivais il y a deux ans sur ce bourg, volontairement, pour avoir le plaisir d’une nouvelle découverte.
Assez vite l’endroit m’est familier, blotti comme il est autour de la grosse église. J’entre dans celle-ci. Une messe est en cours pour une vingtaine de présents à cheveux blancs, dite par un prêtre à la peau noire. Je ressors et découvre (redécouvre) Au Rest’O dans la rue derrière. Un restaurant à menu ouvrier où j’avais déjeuné. Hélas, il est fermé définitivement. La propriétaire est là, vendant la vaisselle. Elle m’indique une crêperie et une pizzeria.
Le tour du marché fait, j’achète un pain au chocolat au miel du pays (un euro trente) au Fournil de la Poste et trouve une table à La Civette, le café le plus fréquenté du pays, où les locaux papotent après les courses. « On va avoir la tempête ». Je lis là Marguerite Yourcenar. Elle parle d’elle au masculin. L’historien-poète et le romancier que j’ai essayé d’être…
Je fais un second tour de bourg, entrant une nouvelle fois dans l’église. Elle ne révèle que sa tristesse. Dans un coin, le prêtre confesse une paroissienne à déambulateur qui ne peut plus entrer dans le confessionnal.
Le soleil me permet d’attendre midi sur un banc près du marché. Je me souviens qu’un décès venait de frapper la poissonnerie il y a deux ans. Elle fonctionne à plein. Il faut être doté d’une solide patience pour faire ses courses à Plouha le mercredi.
Je déjeune d’un hachis Parmentier maison à treize euros à la pizzeria La Mensa et d’une carafe d’eau. La patronne tutoie toute la clientèle, c’est-à-dire moi-même. La fleuriste d’à côté passe la tête par une vitre qu’elle fait glisser de l’extérieur. « Ça va ? Ça bosse ? » lui demande la restauratrice. « Non ». Je reste seul avec mon hachis. Deux jeunes viennent chercher des pizzas commandées. C’est tout. Je paie sans demander un dessert. Je le prends au Fournil de la Poste, un far breton à deux euros soixante et le mange sur un banc au soleil en regardant le marché se défaire. « Allez ! Il n’est pas trop tard pour un bouquet de fleurs, messieurs dames, mariage, deuil », crie l’un. Chez son voisin, le mari reproche à sa femme de mal ranger. Elle se rebiffe « Et comment on fait quand t’es pas là ? »
Le car du retour est à treize heures trente-quatre. J’en descends à deux pas du Quay des Brunes, peu de vent, du soleil, un café et Marguerite. Je ne suis pas Breton mais je sens bien quand le temps d’ici va se dégrader. Cela me permet de rentrer juste avant la pluie, laquelle doit être suivie de la tempête Benjamin.
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Dans la boîte à livres de Plouha, le Dix Dix-Huit du Colloque de Cerisy consacré à Duchamp. Il a été lu, du moins en partie. En témoignent dans le premier tiers du livre, deux marque-pages (un ticket d’autobus du Service de Transport de l’Agglomération Rennaise et un emballage de sucre), quelques pages cornées et en haut d’une, cette annotation à l’encre : « hystérique ou sensuelle ».