Le premier car Zou ! numéro Huit Cent Trente-Six qui grimpe dans l’arrière-pays avec pour terminus Seillans « un des plus beaux villages de France » ne quitte la Gare Routière qu’à neuf heures. Cela me donne largement le temps d’aller petit-déjeuner à Fréjus au Café Kro. Je regarde l’un des rares bateaux de pêche du Vieux-Port partir en mer. Le ciel est gris. « Il fait meilleur à Paris », commente l’un. « Pas maintenant, répond un autre, il y a le feu au dépôt d’ordures à côté du Tribunal. »
Dans le car Zou ! trois filles rentrent chez elles après une nuit de fête à Saint-Raphaël. Un jeune homme descend à l’Hôpital de Fréjus. Nous sommes bientôt dans le Massif de l’Esterel, un bout d’autoroute jusqu’à la sortie Fayence, Montauroux, une superbe vue sur le lac de Saint-Cassien, ça monte, ça tourne, ça redescend, Callian, vue sur un village perché, ça remonte, Tourrettes, Fayence (c’était lui le village perché), changement de conducteur, arrivée devant l’Ecole de Seillans (autre village perché). Les trois filles se réveillent, elles vont aller se coucher.
Je suis content qu’il fasse couvert car ce ne sont que ruelles en pente et je déteste suer. Ce beau village en pierre est agrémenté de placettes avec fontaine, d’une porte sarrasine, d’une église Saint Léger, de multiples chats. Aucun autochtone n’est dehors. Comme autres touristes, un couple de femmes. Une difficulté : trouver Le Génie de la Bastille de Max Ernst. Un ouvrier m’indique la direction. Une habitante à sa fenêtre m’apprend que c’est sur le parquigne. Enfin, une promeneuse de chien sur cette place à voitures me dit : « C’est peut-être ça, là-bas, près des toilettes ». En effet. Ce mât totémique signé Max Ernst doit faire honte aux habitants pour qu’ils l’aient mis ici. C’est une œuvre qui a été offerte à la commune par Dorothea Tanning, sa dernière épouse. Max Ernst et Dorothea Tanning ont habité Seillans pendant douze ans jusqu’à la mort du premier.
Je photographie ce Génie de la Bastille, redescends dans le village et m’arrête au Charlot pour un café verre d’eau à deux euros, en terrasse prés d’une fontaine et d’un lavoir sans eau. Ce restaurant ne propose pas de plat à moins de vingt euros, de même que son concurrent, La Gloire de Mon Père. Je continue donc jusqu’à la supérette Huit à Huit et me procure des sandouiches triangle et une banane.
Encore plus bas est la chapelle Notre-Dame de Lormeau devant laquelle j’arrive quand midi carillonne à l’église d’en haut. Assis sur un muret, je déjeune on ne peut plus tranquillement. Notre-Dame de Lormeau est un édifice cistercien provençal qui possède un magnifique retable baroque Renaissance que je ne peux voir car c’est fermé.
Remonté au bourg à treize heures, je m’offre un café verre d’eau et lit Balzac au Charlot. Deux pré-branlotins y mangent une glace hors de prix pistache chantilly que l’un paie avec la carte bancaire de son père. Un couple d’Allemands déjeune chacun d’un camembert chaud charcuterie salade à vingt et un euros quatre-vingt-dix pièce.
Le car Zou ! est déjà devant l’arrêt Ecole à treize heures cinquante. Il fait un peu frisquet dans cette montagne. L’aimable chauffeur accepte que je monte avant l’heure. Vingt minutes plus tard, au moment du départ, j’en suis le seul passager. A Fayence montent une femme et deux filles seules qui vont à la ville. Le car Zou ! pour Cannes passe aussi par là et il est attendu par des filles habillées style montée des marches. Un contrôleur monte celles du car à Montauroux. Il voit tout le monde, sauf une fille qui s’est planquée au fond. Quand il redescend et contourne le véhicule, elle se fait repérer. Il remonte et se contente de la chapitrer car « soixante euros, quand même, c’est une somme ». Le soleil est là quand nous arrivons à Saint-Raphaël.
*
Max von Sydow a aussi passé la fin de sa vie à Seillans. Bruce Chatwin, lui, n’y a vécu qu’un mois en résidence au Château.
*
Ces célébrités du vingtième siècle, je ne sais pas ce qui leur a pris de s’installer dans des villages pentus de Provence où l’on crève de chaud l’été. Max Ernst, pour mourir, est rentré à Paris. Sa veuve a profité de l’évènement pour retourner à New York où elle est morte à cent un ans.
*
Le territoire de la commune de Seillans est vaste mais le camp militaire de Canjuers en occupe la moitié. On y tire soixante-quinze mille obus, mille missiles et un million six cent mille projectiles de tous calibres par an. Rien entendu.
Dans le car Zou ! trois filles rentrent chez elles après une nuit de fête à Saint-Raphaël. Un jeune homme descend à l’Hôpital de Fréjus. Nous sommes bientôt dans le Massif de l’Esterel, un bout d’autoroute jusqu’à la sortie Fayence, Montauroux, une superbe vue sur le lac de Saint-Cassien, ça monte, ça tourne, ça redescend, Callian, vue sur un village perché, ça remonte, Tourrettes, Fayence (c’était lui le village perché), changement de conducteur, arrivée devant l’Ecole de Seillans (autre village perché). Les trois filles se réveillent, elles vont aller se coucher.
Je suis content qu’il fasse couvert car ce ne sont que ruelles en pente et je déteste suer. Ce beau village en pierre est agrémenté de placettes avec fontaine, d’une porte sarrasine, d’une église Saint Léger, de multiples chats. Aucun autochtone n’est dehors. Comme autres touristes, un couple de femmes. Une difficulté : trouver Le Génie de la Bastille de Max Ernst. Un ouvrier m’indique la direction. Une habitante à sa fenêtre m’apprend que c’est sur le parquigne. Enfin, une promeneuse de chien sur cette place à voitures me dit : « C’est peut-être ça, là-bas, près des toilettes ». En effet. Ce mât totémique signé Max Ernst doit faire honte aux habitants pour qu’ils l’aient mis ici. C’est une œuvre qui a été offerte à la commune par Dorothea Tanning, sa dernière épouse. Max Ernst et Dorothea Tanning ont habité Seillans pendant douze ans jusqu’à la mort du premier.
Je photographie ce Génie de la Bastille, redescends dans le village et m’arrête au Charlot pour un café verre d’eau à deux euros, en terrasse prés d’une fontaine et d’un lavoir sans eau. Ce restaurant ne propose pas de plat à moins de vingt euros, de même que son concurrent, La Gloire de Mon Père. Je continue donc jusqu’à la supérette Huit à Huit et me procure des sandouiches triangle et une banane.
Encore plus bas est la chapelle Notre-Dame de Lormeau devant laquelle j’arrive quand midi carillonne à l’église d’en haut. Assis sur un muret, je déjeune on ne peut plus tranquillement. Notre-Dame de Lormeau est un édifice cistercien provençal qui possède un magnifique retable baroque Renaissance que je ne peux voir car c’est fermé.
Remonté au bourg à treize heures, je m’offre un café verre d’eau et lit Balzac au Charlot. Deux pré-branlotins y mangent une glace hors de prix pistache chantilly que l’un paie avec la carte bancaire de son père. Un couple d’Allemands déjeune chacun d’un camembert chaud charcuterie salade à vingt et un euros quatre-vingt-dix pièce.
Le car Zou ! est déjà devant l’arrêt Ecole à treize heures cinquante. Il fait un peu frisquet dans cette montagne. L’aimable chauffeur accepte que je monte avant l’heure. Vingt minutes plus tard, au moment du départ, j’en suis le seul passager. A Fayence montent une femme et deux filles seules qui vont à la ville. Le car Zou ! pour Cannes passe aussi par là et il est attendu par des filles habillées style montée des marches. Un contrôleur monte celles du car à Montauroux. Il voit tout le monde, sauf une fille qui s’est planquée au fond. Quand il redescend et contourne le véhicule, elle se fait repérer. Il remonte et se contente de la chapitrer car « soixante euros, quand même, c’est une somme ». Le soleil est là quand nous arrivons à Saint-Raphaël.
*
Max von Sydow a aussi passé la fin de sa vie à Seillans. Bruce Chatwin, lui, n’y a vécu qu’un mois en résidence au Château.
*
Ces célébrités du vingtième siècle, je ne sais pas ce qui leur a pris de s’installer dans des villages pentus de Provence où l’on crève de chaud l’été. Max Ernst, pour mourir, est rentré à Paris. Sa veuve a profité de l’évènement pour retourner à New York où elle est morte à cent un ans.
*
Le territoire de la commune de Seillans est vaste mais le camp militaire de Canjuers en occupe la moitié. On y tire soixante-quinze mille obus, mille missiles et un million six cent mille projectiles de tous calibres par an. Rien entendu.