« Attention au passage d’un train », c’est ce que pourrait dire à tout moment la voix de la Senecefe à l’intérieur de mon logis Air Bibi. Les trains se succèdent derrière le mur de l’immeuble, Intercités, Tégévés, petits Zou !. Certains font trembler les murs et le sol. Au bout d’un mois, je n’y prends plus garde. Ils ne circulent pas la nuit.
Sur le côté de mon lit, une grande et belle photo signée Franck Barbier, un nu en noir et blanc. Une jeune femme à cheveux courts assise à contre-jour dont on voit bien l’un des petits seins. Je l’emporterais bien, mais sa taille et son poids s’y opposent, mon honnêteté aussi (bien que relative).
Après avoir laissé les clés dans la boîte aux lettres de mon logeur qui vit à Paris, où les récupérera son amie qui est venue hier soir, faire un « état des lieux », je prends une formule café pain au chocolat à trois euros dix à La Tropézienne qui a terrasse au soleil près de la Gare. Plus qu’à attendre le Tégévé de huit heures cinquante-trois pour Paris Gare de Lyon en cette veille de jour férié que je n’avais pas anticipé. Pourtant, j’aurais pu me douter que le lendemain du trente avril est le premier mai. J’ai pour me distraire le babillage des deux vendeuses qui ne risque pas de me donner matière à réflexion car je sais déjà tout sur la bêtise du quotidien. « Interdiction de nourrir les animaux », est-il écrit sur les tables.
Voiture Treize, place Quarante-Huit, mon voyage commence en longeant le mur de derrière du Air Bibi où j’ai été bien logé pendant un mois, avec tout le confort moderne, que je n’ai pas utilisé, notamment la machine à laver, préférant faire ma lessive à la main. Trente et un euros la nuitée, une affaire dans cette région. Nous passons ensuite très près du Rocher de Roquebrune. C’est à Toulon, dont je revois avec plaisir la Gare, que la voiture se remplit un peu et que je suis doté d’une voisine. Nous passons non loin de la Forteresse de Six-Fours puis c’est la jolie vue sur la mer. Plus tard, j’aperçois la Bonne Mère entre deux immeubles et c’est Marseille Saint-Charles d’où l’on repart dans l’autre sens pour ne plus s’arrêter avant Paris. Ma voisine me quitte pour aller occuper une place restée libre. La Sainte-Victoire, une centrale nucléaire, et des paysans déjà en train d’arroser leurs champs. Nombreux sont celles et ceux incapables d’attendre midi pour manger leurs sandouiches. Moi-même, emporté par le désir mimétique, sort mes triangles à onze heures quarante-cinq. Des genets sur le bord de l’autoroute, autant qu’en Bretagne. Ensuite, quand ça devient plus ou moins plat, le jaune du colza et des boutons d’or. Et beaucoup de vert, bien sûr. Beaucoup de vert. Ça va vite mais c’est long. Je ne peux pas lire dans ce type de train. Il ne me reste pourtant que soixante pages du premier volume de Lettres à Madame Hanska sur les six cent quarante qu’il contient. Encore un petit rigolo de chef de bord. A l’arrivée, il propose, au cas où certaines ne seraient pas attendues sur le quai par leur amoureux de tenir le rôle, « mais je ne pourrai pas m’occuper de tout le monde ».
Comme annoncé, il fait chaud à Paris. J’ai plus d’une heure à attendre le train Nomad de quinze heures quarante. En l’absence de café fréquentable à Saint-Lazare, je trouve une place assise dans la galerie marchande et ouvre Balzac.
Pas question de profiter du libre placement de la voiture Cinq. La veille des jours fériés, les places y sont proposées à la réservation. C’est donc à ma place officielle, voiture Trois, siège Trente-Trois que je m’installe pour rejoindre Rouen. Par bonheur, je n’ai pas de voisinage immédiat. Ma voisine d’outre couloir est une anorexique qui se remplit de chips, salade de fruits, pain, pommes et Coca en faisant des allers et retours aux toilettes. Pour se faire vomir, je suppose. De la vitre du train, je retrouve ma Normandie bien verdie sous un ciel bien bleu. Une ligne normande sans dysfonctionnement, ce serait extraordinaire. Le chef de bord nous annonce un problème de passage à niveau à Vernon. Cela ne donne que cinq minutes de retard à l’arrivée.
Mon problème du Premier Mai à venir, c’est qu’avant mon départ j’ai vidé le frigo pour couper l’électricité, et que je n’ai aucun plat cuisiné à la maison. Il faudrait que je m’arme de courage et aille chez U en cette fin de journée mais c’est une épreuve que je refuse. Pour me nourrir demain, je compte sur la boulangerie « arabe » et sur le kebabier de la rue de la République.
*
Dans le Tégévé, dialogue entre mari et femme :
-Je sais, tu es parfaite et je suis nul. Tu me le dis très souvent.
-C’est incroyable ce que tu as changé. Tu n’es plus celui que tu étais.
Cela dit sur le ton le plus calme de son côté à elle.
-Bon, tu le fais puisque tu es si maligne, ou j’annule.
L’objet de la discorde est une réservation pour un trek à Cabo Verde.
Sur le côté de mon lit, une grande et belle photo signée Franck Barbier, un nu en noir et blanc. Une jeune femme à cheveux courts assise à contre-jour dont on voit bien l’un des petits seins. Je l’emporterais bien, mais sa taille et son poids s’y opposent, mon honnêteté aussi (bien que relative).
Après avoir laissé les clés dans la boîte aux lettres de mon logeur qui vit à Paris, où les récupérera son amie qui est venue hier soir, faire un « état des lieux », je prends une formule café pain au chocolat à trois euros dix à La Tropézienne qui a terrasse au soleil près de la Gare. Plus qu’à attendre le Tégévé de huit heures cinquante-trois pour Paris Gare de Lyon en cette veille de jour férié que je n’avais pas anticipé. Pourtant, j’aurais pu me douter que le lendemain du trente avril est le premier mai. J’ai pour me distraire le babillage des deux vendeuses qui ne risque pas de me donner matière à réflexion car je sais déjà tout sur la bêtise du quotidien. « Interdiction de nourrir les animaux », est-il écrit sur les tables.
Voiture Treize, place Quarante-Huit, mon voyage commence en longeant le mur de derrière du Air Bibi où j’ai été bien logé pendant un mois, avec tout le confort moderne, que je n’ai pas utilisé, notamment la machine à laver, préférant faire ma lessive à la main. Trente et un euros la nuitée, une affaire dans cette région. Nous passons ensuite très près du Rocher de Roquebrune. C’est à Toulon, dont je revois avec plaisir la Gare, que la voiture se remplit un peu et que je suis doté d’une voisine. Nous passons non loin de la Forteresse de Six-Fours puis c’est la jolie vue sur la mer. Plus tard, j’aperçois la Bonne Mère entre deux immeubles et c’est Marseille Saint-Charles d’où l’on repart dans l’autre sens pour ne plus s’arrêter avant Paris. Ma voisine me quitte pour aller occuper une place restée libre. La Sainte-Victoire, une centrale nucléaire, et des paysans déjà en train d’arroser leurs champs. Nombreux sont celles et ceux incapables d’attendre midi pour manger leurs sandouiches. Moi-même, emporté par le désir mimétique, sort mes triangles à onze heures quarante-cinq. Des genets sur le bord de l’autoroute, autant qu’en Bretagne. Ensuite, quand ça devient plus ou moins plat, le jaune du colza et des boutons d’or. Et beaucoup de vert, bien sûr. Beaucoup de vert. Ça va vite mais c’est long. Je ne peux pas lire dans ce type de train. Il ne me reste pourtant que soixante pages du premier volume de Lettres à Madame Hanska sur les six cent quarante qu’il contient. Encore un petit rigolo de chef de bord. A l’arrivée, il propose, au cas où certaines ne seraient pas attendues sur le quai par leur amoureux de tenir le rôle, « mais je ne pourrai pas m’occuper de tout le monde ».
Comme annoncé, il fait chaud à Paris. J’ai plus d’une heure à attendre le train Nomad de quinze heures quarante. En l’absence de café fréquentable à Saint-Lazare, je trouve une place assise dans la galerie marchande et ouvre Balzac.
Pas question de profiter du libre placement de la voiture Cinq. La veille des jours fériés, les places y sont proposées à la réservation. C’est donc à ma place officielle, voiture Trois, siège Trente-Trois que je m’installe pour rejoindre Rouen. Par bonheur, je n’ai pas de voisinage immédiat. Ma voisine d’outre couloir est une anorexique qui se remplit de chips, salade de fruits, pain, pommes et Coca en faisant des allers et retours aux toilettes. Pour se faire vomir, je suppose. De la vitre du train, je retrouve ma Normandie bien verdie sous un ciel bien bleu. Une ligne normande sans dysfonctionnement, ce serait extraordinaire. Le chef de bord nous annonce un problème de passage à niveau à Vernon. Cela ne donne que cinq minutes de retard à l’arrivée.
Mon problème du Premier Mai à venir, c’est qu’avant mon départ j’ai vidé le frigo pour couper l’électricité, et que je n’ai aucun plat cuisiné à la maison. Il faudrait que je m’arme de courage et aille chez U en cette fin de journée mais c’est une épreuve que je refuse. Pour me nourrir demain, je compte sur la boulangerie « arabe » et sur le kebabier de la rue de la République.
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Dans le Tégévé, dialogue entre mari et femme :
-Je sais, tu es parfaite et je suis nul. Tu me le dis très souvent.
-C’est incroyable ce que tu as changé. Tu n’es plus celui que tu étais.
Cela dit sur le ton le plus calme de son côté à elle.
-Bon, tu le fais puisque tu es si maligne, ou j’annule.
L’objet de la discorde est une réservation pour un trek à Cabo Verde.