Saint-Raphaël (vingt-deux) : L’Ile d’Or

23 avril 2025


Finies les vacances scolaires ici. Ce qui marque la reprise de certains bus que je comptais prendre mais hier je me suis aperçu que ceux-ci avaient des horaires incompatibles avec le tourisme. Un seul aller retour par jour, le matin pour venir à Saint-Raphaël, le soir pour repartir dans les lointains. J’en suis marri, mais je ne me laisse pas abattre.
Ce mardi, je retrouve le bus Huit de huit heures et en descends à l’arrêt Pierre Blave à l’entrée du Dramont. Se trouve là la Plage du Débarquement que je parcours sur ses gros galets où s’ébrouent avec leurs chiens quelques résidents du campigne de masse Yellow Village. Depuis cette plage, on a la meilleure vue sur l’Ile d’Or dont je fais une série de photos.
Un passage pas trop risqué du sentier du littoral me permet de rejoindre le petit Port du Poussaï. Je ne pousse pas plus loin. La gargote C le mieux m’offre une place en terrasse, bientôt au soleil, où, mon café bu, je lis Lettres à Madame Hanska, tout en gardant un œil sur les quelques randonneurs et pêcheurs qui passent, sur l’Ile d’Or et sa mystérieuse tour carrée, sur les bateaux aussi immobiles qu’elle. Spectacle plus inhabituel, la mise à l’eau d’un canot remorqué par un vieux campigne-car hollandais après une manœuvre hardie en marche arrière. « Faut pas bouger d’ici. Dès que tu vois la civilisation, c’est la merde », explique à une connaissance le gérant de C le mieux. « J’ai un copain, ajoute-t-il, il a acheté une maison en ville et après, sa femme, elle s’est barrée avec un autre. ».
Je rentre avec le bus Vingt et Un de dix heures vingt-huit, passe au Crédit à Bricoles qui prospère entre deux restaurants sur le Vieux-Port et à midi, pas tenté par le colombo de porc des Sablettes, opte encore une fois pour le Kashmir, puis direction Au Coq Hardi.
On y cuit en terrasse, d’où un recul d’une case sous la véranda ouverte, avec vue sur la Méditerranée derrière le Poste de Police Municipale. Où en est Balzac à l’aube de ses quarante-quatre ans? Cependant, chère, je n’ai plus cette abondance de pensées littéraires qui ne me permettait pas de chercher longtemps un sujet, et tout s’use ; je le vois : le corps et l’esprit.
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Ce que j’aimerais ne plus entendre au Kashmir (et ailleurs), c’est : « Ça change ! ».
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Juin ! Mon Dieu, comment vivre jusque-là ? maintenant que le travail ne me conserve plus comme un insecte pris dans l’ambre jaune. Où aller ? Où voyager ? Où me reposer ? (Honoré de Balzac à Madame Hanska, jeudi deux mars mil huit cent quarante-trois)