Un mardi comme un mercredi à Paris

25 août 2022


Avec un jour d’avance sur ma routine hebdomadaire, je monte dans la voiture Cinq du train Nomad pour Paris. Cela sent la rentrée des navetteurs ce mardi dans le sept heures vingt-quatre. Peu de places restent libres, j’ai une voisine à ma droite. Elle cache ses yeux derrière un masque. Je cache mon nez et ma bouche avec le mien puis entreprends la lecture de Sérotonine de Michel Houellebecq. Mon exemplaire de poche J’ai Lu est un peu abimé, je l’ai trouvé dans une boîte à livres rouennaise.
Un bus Vingt-Neuf me conduit à la Bastille d’où je rejoins pédestrement le Marché d’Aligre. Aucun vendeur de livres ne s’y trouve. Après un café au comptoir d’un bar tabac dont j’oublie de regarder le nom, je rejoins le Book-Off de Ledru-Rollin où des livres à un euro m’attendaient : Une éducation polonaise de Louis Degley (Les Cahiers Rouges / Grasset), le premier tome de Carnets de Léonard de Vinci (Tel / Gallimard), Aquarelles d’Henry Miller (Arléa), La peau dure de Raymond Guérin (Finitude), Un malheur absolu de la mère du révérend Jôjin (Le Promeneur) et Bréviaire des petits plaisirs honteux de Charles Haquet et Bernard Lalanne (JBZ & Cie). J’y ajoute, vendu sept euros, « Chacun cherche son paradis… » Correspondance choisie de Friedrich Glauser (Editions d’en bas).
Il est onze heures quand j’en sors. Sur un banc du boulevard Richard-Lenoir, je poursuis avec grand intérêt la lecture de Sérotonine jusqu’à ce qu’il soit l’heure d’entrer au café restaurant Le Paris. J’y suis accueilli comme un quasi habitué. La patronne me demande d’où vient mon bronzage. « De Normandie », lui réponds-je.  Ah, elle aussi est Normande. Oui mais de Lisieux. La formule du jour à treize euros quatre-vingt-dix est copieuse et bonne : bricks de poireaux, salade et filet mignon moutarde à l’ancienne, tagliatelles.
Le temps est lourd ce jour mais on sent que l’orage n’éclatera pas. Je me rends au Port de l’Arsenal où je lis jusqu’à quatorze heures près de jeunes actives et actifs à nourriture saine. L’un se réjouit d’une soirée à venir avec Melocoton, sa peute transgenre.
Un bus Vingt-Neuf me conduit jusqu’à l’Opéra Garnier d’où je rejoins le Book-Off de Quatre-Septembre. Un seul livre à un euro m’y attendait : Journal de Kurt Cobain (Dix/Dix-Huit).
Le temps est toujours lourd quand, à la terrasse du Bistrot d’Edmond, je continue à lire Houellebecq. Ce roman me plaît fort dans lequel l’écrivain revient à son sujet de prédilection, les affres de la vie affective et sexuelle masculine. Près de moi se trouve un jeune trio.  L’une des deux filles soudain s’agite, réclamant à grand cri un verre d’eau. Il s’agit de secourir une abeille tombée dans son coquetèle et engluée dans le sucre. Le lavage de l’insecte conduit à sa mort, dont la jouvencelle a du mal à se remettre (m’étonnerait pas que cette abeille ait été une guêpe).
Pour quarante centimes de plus, j’ai une place en première classe dans le train du retour, de quoi poursuivre confortablement ma lecture.